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L’attaque de la poste centrale d’Oran

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L’ attaque de la poste centrale d’ Oran. 1

 » Rien n’est plus beau, rien n’est plus significatif pour celui qui aime du même amour l’Afrique et la Méditerranée2 que de contempler leur union du haut de Santa Cruz.(…) Ce tas de monnaies blanches jetées au hasard, c’est Oran ; cette tâche d’encre violette, c’est la Méditerranée ; cette poussière d’or sur un miroir d’argent, c’est le sel de la plaine a travers le soleil. « Jean Grenier 3

Oran

L’attaque de la grande poste d’Oran

C’était le Mardi 5 avril 1949, à O7h45

La poste RP 4

Jamais événement oranais n’a fourni de telles rumeurs si fantasques, si nombreuses et si fausses. Elles ont traversées l’espace. Pourtant, malgré le temps qui passe, nul n’était en mesure de raconter son histoire véritable ni de désigner les véritables acteurs. Les récentes découvertes, et Mémoires, vont mettre la lumière sur cette affaire, qui au début s’annonce comme un fait divers, mais qui représente un acte fondateur, celui de la lutte pour l’Indépendance de l’Algérie.

Notes

1 voir en fin. d’article l’avertissement

2 La Méditerranée =وسط البحر ا لأبيض La mer blanche du milieu
3 Paris 1898-1971. Professeur à Alger. Albert Camus fut son élève. Ce philosophe pensait que le monde n’est pas un problème, mais un spectacle à regarder.

4 Construite en 1903, et restaurée en 2016.

La poste Centrale d’Oran RP, avant sa rénovation en 2016 – Rue d’Alsace Lorraine-
La plaque en marbre qui rappelle l’opération du 5 avril 1949. Elle a été brisée, à deux reprises.

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Après avoir consulté les livres d’histoire et lu les déclarations diverses des témoins ou contemporains6, nous sommes encore à nous poser des questions. Plusieurs versions s’offrent à nous. Une version populaire; c’est la rumeur. Une version policière; les enquêtes et les minutes des inter- rogatoires. Enfin une version sa- vante, les écrits des historiens, en- core qu’ils se contredisent. Pour- tant, en présentant les points de vue les plus différents, nous allons essayer de tirer cette affaire au clair.

Ce qui est certain, c’est que nous sommes en présence d’un acte poli- tique. Il s’agissait d’alimenter les caisses du parti le PPA7 puis le M.T.L.D et son organisation secrète l’OS. Mais qui fut l’instigateur, ou les instigateurs ? beaucoup de noms sont cités. Quelles instances politiques donnèrent l’ordre? S’agissait-il d’une initiative personnelle? Une littérature fournie en tout genre, universitaire, historique s’est développée autour de ce fait, et ne s’encombrant pas de prudence ou de vérités historiques, défend les thèses les plus fantaisistes. Sans parler des assertions d’historiens connus qui se révèlent fausses, ou en tout cas qui divergent des Mémoires écrites des principaux acteurs incriminés de cette époque, chefs historiques ou simples militants.

Cette affaire a connu des rebondissements multiples et entraîné des développements inattendus. Un simple hold-up au départ, va accélérer le processus enclenché de la lutte armée, être à l’origine (à son corps défendant si l’on peut dire), du démantèlement de l’OS, mobiliser plusieurs services de police sur une grande partie du territoire, entraîner des arrestations en masse et donner lieu à deux procès retentissants: celui d’Oran en février 1950 et celui de Blida en mars 1952.

Notes

5, mobiliser plusieurs services de police sur une grande partie du territoire, entraîner des arrestations en masse et donner lieu à deux procès retentissants: celui d’Oran en février 1950 et ce- lui de Blida en mars 1952.

6 Cf les annexes.
7 Fondé le 11 mars 1937, succède à l’Etoile Nord-Africaine. En 1939, le PPA est interdit, et ses dirigeants internés. En 1946, Messali Hadj (1898/1974) crée le MTLD, refusé par de Gaulle. Cf le livre de Jacques Simon- Collection CREAC- Histoire. Juin 2005.

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De nos jours encore, si on demande à un Oranais ce que lui évoque l’at- taque de la poste d’ Oran, il répond sans hésiter: Ben Bella…..et pourtant!

Qu’en fut-il pour les Oranais et Oranaises de cette époque ?

Mercredi 6 avril 1949, le lendemain de l’attaque. Tout d’abord, l’opinion publique, sans informations aucune attribue ce vol audacieux à des gangsters professionnels. Pas de grosses manchettes dans les jour- naux.

Photo du site oranais » Oran libre propre ».

L’Echo d’Oran du mercredi 6 avril 1949 écrit en titre sur sa Une, sous la plume de Firmin Ellul: « Tandis qu’Oran s’éveille! », -Mitraillette au poing, des bandits attaquent la poste ». Un fait divers relaté aussi en page intérieure avec des détails. Une agression menée par quelques voyous. Le journaliste rapporte deux vols récents, qu’il semble associer. L’agression du garagiste de l’avenue Loubet, et l’agression d’un chauffeur de taxi8. Ils n’ont rien a voir, mais il ne pouvait pas le savoir. Par rapport à d’autres délits, celui-ci lui sembla différent, mais il se répétait.

Note

8 Celui de la première attaque avortée. Mais il ne fait pas le lien.

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Le Century , avec une affiche de Joseph Alfonsi.

Oran n’était quand même pas Chicago9. Ce fut la stupéfaction. Ils devaient être une bande. Des étrangers sans doute. On parlait de sommes considérables dérobées. C’était tellement étonnant, que cela en devenait à peine croyable. Une fiction en quelque sorte. C’est que les oranais aimaient beaucoup le cinéma, surtout le cinéma américain. Avec plus de 3010 salles, ils étaient gâtés. Et là, on était plongé dans le spectaculaire. Cette attaque! ce vol! cette préparation! Les oranais n’en croyaient pas leurs yeux. Qui avait osé? Quatre ans à peine séparaient cet acte de la fin de la Seconde guerre mondiale. Beaucoup d’hommes étaient revenus de l’enfer, où entre autres les tirailleurs11et autres régiments, s’étaient illustrés. Beaucoup y étaient restés. Il manquait un homme dans chaque famille. Les bombardements américains de 194212 sur Oran étaient oubliés. La population par la suite avait pactisé.

Oran n’était quand même pas Chicago9. Ce  fut la stupéfaction. Ils devaient être une bande. Des étrangers sans doute. On parlait de sommes considérables dérobées. C’était tellement étonnant, que cela en devenait à peine croyable. Une fiction en quelque sorte. C’est que les oranais aimaient beaucoup le cinéma, surtout le cinéma américain. Avec plus de 30 salles10, ils étaient gâtés. Et là, on était plongé dans le spectaculaire. Cette attaque! ce vol! cette préparation! Les oranais n’en croyaient pas leurs yeux. Qui avait osé? Quatre ans à peine séparaient cet acte de la fin de la Seconde guerre mondiale. Beaucoup d’hommes étaient revenus de l’enfer, où entre autres les tirailleurs11 et autres régiments, s’étaient illustrés. Beaucoup y étaient restés. Il manquait un homme dans chaque famille. Les bombardements américains de 194212 sur Oran étaient oubliés. La population par la suite avait pactisé.

La ville et ses habitants n’avaient pas connu de trop graves effets des restrictions. Ils se débrouillaient. Les années 40 et 42 laissaient un goût amer, mais le régime de Vichy aux lois scélérates13 n’était plus qu’un mauvais souvenir. Chacun retrouvait le plaisir de la Liberté. Tous les soldats confondus, tirailleurs14, goumiers, artilleurs, anciens soldats valeureux démobilisés après huit ou neuf ans d’incorporation, réclamaient des droits qui tardaient à venir15. Les manifestations populaires organisées par les nouveaux partis algériens furent durement réprimées, comme celles de 1945 à Sétif.  Les élections du 11 avril 1948, truquées16. Les Algériens s’organisaient17. 

Dans ce climat qui apparaît aujourd’hui presque insurrectionnel, rien d’inquiétant ne transparaissait (ou presque) dans la vie quotidienne pour une jeunesse occupée à vivre et une ville en chantier.

Les boulangeries aux étagères bien remplies, sentaient bon le pain doré au four traditionnel. Les comptoirs des bars débordaient de Kémia18 qui attiraient les ouvriers. Il s’exhalait depuis les trottoirs les odeurs des sardines grillées. La ville était propre, tous les après-midi, les auto pompes arrosaient les rues, après les balayages rituels. Le temps était doux et ce matin du 5 avril, le ciel à peine bleu se couvrait d’une teinte légèrement rosée.

En 1949, Oran se remettait à la tâche. Sous l’impulsion du Maire, Fouques Duparc19, démarre la construction du boulevard Front de mer qui va s’étendre sur près de cinq kms, véritable balcon sur la Méditerranée.

N’en déplaise à Camus20, Oran enfin va regarder la mer. Le travail ne manquait pas, mais il était mal payé. Entre l’énormité de la somme volée dont on parlait, et le salaire moyen d’un journalier, chacun pouvait faire ses comptes.

Partagés entre l’admiration de ce coup d’éclat et la colère de l’argent mal gagné, les oranais étaient divisés

Notes

09 Camus, (1913-1960) qui décidément n’aimait pas beaucoup Oran et les Oranais, écrit:  Oran “Chicago de l’absurde Europe”, page 189, Carnets, Gallimard,1962. 

10 A Oran, le Centre ville offrait des salles somptueuses, Le Régent, le Colisée, le Century, l’Escurial, le Mogador. Les quartiers disposaient aussi des leurs. L’Olympia, le Regina, l’Alhambra, le Rex qui distribuait des films en arabe, le Tivoli, le Balzac, l’Idéal, le Plaza, j’en oublie. Les énormes affiches qui vantaient les mérites de tel ou tel film  étaient créés par Joseph Alfonsi dans les ateliers Mulphin. Le papier utilisé, provenait des chutes des rouleaux de l’Echo d’Oran. Les oranais disposaient d’un choix extraordinaire de lieux de loisirs -Théâtre, Arène, salle de boxe, Piscine, terrains de foot, multi-sports et Tennis. Par contre et Camus le remarqua, le côté culturel n’était pas aussi riche.

11  Le 7ème RTA participe à délivrer Marseille. Il fait partie de la 3ème D.I.A du Gl de Monsabert.  Débarquement de Provence, nom de code: Anvil Dragoon à partir du 15 août 1944. 52% Nord-Africains et 48% européen, les futurs pieds-noirs.

12 L’opération Torch. Du 8 au 16 novembre 1942. Débarquement au Maroc et en Algérie, et à Oran.
13 Qui visaient les juifs. Expulsion des fonctionnaires, interdictions aux enfants juifs de se rendre à l’école. M. Benichou ouvre une école privée et demande à A.Camus qui se trouve à Oran, d’y participer. Cf A.Djemaï- Camus à Oran.

14 Bouchaib écrit: Les pieds-noirs étaient chauffeurs ou dans des planques, les indigènes de la chair à canon. Il est sévère. + de 10 Milles pieds-noirs tués, cela fait beaucoup de chauffeurs. Son ressentiment est lourd, mais injuste envers les pieds-noirs. La guerre a été très dure pour lui , mais aussi pour tout le monde. Soldat, puis prisonnier, évadé, puis re-guerre, jusqu’à sa libération. Il n’oublie pas de souligner toute l’aide que lui ont apportée les Français durant sa cabale en métropole; Abris, nourriture, locomotion, il avait ses raisons d’être en colère, d‘autant que, comme Ben Bella, il est très affecté par les évènements de Sétif. Dès son retour à la vie civile, il s’engage dans la lute pour l’Indépendance.
15 De 1942 à 1945, l’Armée d’Afrique: 250000 Indigènes et 168000 Pieds Noirs. 1,6% de la population musulmane et 16% de la population européenne. Le S H A T donne 16.600 tués parmi les musulmans et 10.000 parmi les Pieds noirs, juifs et chrétiens. La population musulmane de toute l’Afrique du Nord était de 18 Millions,5 et celle des Européens de 1 Million,1. Ces Chiffres diffèrent selon les sources, ils sont approximatifs.
16 Ce qui fera dire à Ferhat Abbas devant le Maréchal Juin: » Il n’y a plus d’autres solutions que les mitraillettes ».
17 Le Président Vincent Auriol, n’est pas dupe. Il note au lendemain des élections à l’Assemblée algérienne le 27 avril 1948: “ la situation pour l’Algérien est pénible; on a fait des arrestations par centaines…Tout cela ne contribuera pas à l’apaisement et élargira le mécontentement”; Son voyage en Algérie du 27 mai au 7 juin 1949 restera “ sans surprise et sans suites”. Le gouverneur général Léonard est reçu en septembre 1951 par Vincent Auriol.- il lui rend compte de la situation politique en Algérie “ il existe ce front algérien …../…. ils ont derrière eux la majorité de la population “.
18 Héritage espagnol des tapas., Amuses-gueules pour l’apéritif.
19 Fouques Duparc Henri Marie Arthur (1903-1976) Maire d’Oran de 1948 à 1962- Sénateur et Député-Fidèle du Gl de Gaulle. Le premier maire né à Oran

20 Il écrit “Cette ville qui tourne le dos à la mer ”. Il est temps de faire la paix avec lui. Ses écrits sur les Oranais; des malentendus et des maladresses rattrapés avec bonheur dans ses Carnets, Cf Albert Camus, “ Carnets mai 1935-février 1942” . Gallimard, Paris, 1962
21 Sorti en 1949 – Dans ce film admirable et frais, quelques séquences de la folie des nouvelles danses- Le swing, le Rock à l’affiche de l’Alhambra à St Eugène au Bd Vauchez

La Rue d’Arzew, 1950

Les films policiers succédaient aux films policiers, aux péplums et aux westerns, sur les écrans du Régent, du Colisée, sans parler de ceux de guerre. Quelques films français à l’affiche faisaient recette, comme “Rendez-vous de Juillet” de J. Beckert avec Daniel Gélin en avant première21. On admirait les courses poursuites des belles américaines, la force d’Hercule, les bagarres dans les Saloons. C’était un monde inimaginable. L’Amérique faisait rêver. La jeunesse oranaise et les moins jeunes ne se lassaient pas de ces films. Ils empiétaient sur notre réalité22.

Les plus jeunes à la sortie d’un film de cow-boy , un énième western marchaient les jambes arquées comme s’ils venaient de descendre de Sylver, le cheval de Tonto, du “Dernier des fédérés”23. Les fou-rires des bandes de copains24, emplissaient les rues désertes la nuit après avoir vu un Charlot ou les inénarrables Laurel et Hardy.

Notes

22 Camus écrivait en 1939 : …: Entre seize et vingt ans, les jeunes oranais de la “Société” em- pruntent leurs modèles d’élégance au cinéma américain et se travestissent avant d’aller dîner…./…..puis ils “ … s’appliquent en toutes choses à imiter l’allure, la rondeur et la supériorité de M. Clark Gable”. L’Eté- le Minotaure p 24- Gallimard 1954. Par la suite, on appela ces jeunes: “ les Clarque “ et les filles “ les Marlènes ”. Camus lui-même versa dans l’imitation d’ Humphrey Bogart. Il aimait se promener avec le même imperméable, le feutre et la cigarette aux lèvres. Cf Camus à Oran de A. Djemaï. P 34. Une coïncidence, à l’époque même où Camus écrit ces lignes, est don- né le film : “ Îles de furie.” avec Humphrey Bogard sur l’écran du Roxy, au plateau St Michel, film qu’il a dû voir.

23 Le Dernier des fédérés de William Witney et John English -1938 -Rôle principal : Lee Powell -Film en quatre épisodes. A l’affiche à l’Alhambra au 35,Bd Vauchez.
24 Les jeunes à Oran se déplaçaient toujours en bande joyeuse entre garçons. Les filles se rencontraient en faisant le boulevard. El paseo disait-on!, où ils leur lançaient des « Piropos ».
= Compliments .

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Cette affaire alimenta ainsi toutes les conversations, pendant plusieurs années. En 1953 encore, au Central télégraphique de la rue Floréal Mathieu, proche de la poste, une brigade de jeunes facteurs-télégraphistes racontaient par le menu ce qu’ils ne savaient pas. Chacun y allait de son histoire. Celui-ci disait que les voleurs étaient entrés par le grand portail arrière du bâtiment et qu’ils étaient sortis par la bouche d’égout qui se trouvait juste devant la place de la Bastille. Ils se seraient trompés de sortie et là, surpris de se trouver au milieu des passants, ils auraient été pris. Ce qui était faux.

Sans réelle information sur l’attaque de la Poste, celle-ci devenait un film à raconter.

بن بيلا Ben Bella ( 1916/2012)

Enfin, devant le caractère minutieux de la préparation, et sa réussite, beaucoup s’accordaient à dire que les gangsters avaient bénéficié d’une aide intérieure. C’était une autre rumeur qui courait, elle s’amplifiait. Le vol avait été l’affaire des postiers indigènes menés par Ben Bella. Celle-là était vraie en partie. En effet, le commando disposait d’une taupe, l’agent de la poste, Nemiche Djelloul27, ce qui avait fourni une raison de se méfier un peu plus des collègues algériens qui travaillaient à la grande poste, et de tendre encore les relations. Elles n’en avaient pas besoin. Malgré quelques différents, celles-ci étaient très amicales.

Ils furent pris bien plus tard, mais pas pour ce vol seulement. Un autre disait qu’ils étaient armés jusqu’aux dents et qu’ils auraient dérobé des millions et des millions de francs, de l’époque s’en- tend. Le veilleur de nuit aurait été tué25. Les versions les plus invraisemblables devenaient les plus vraies. La rumeur racontait, que la bande avant de perpétrer son coup, avait ligoté et abandonné dans le ravin Raz el Aïn, le chauffeur de taxi qui les avait transporté pour lui voler son véhicule26.


Notes

25 M.E.Naegelen (1892-1978) Gouverneur de l’Algérie de 1948 à 1951. cf Mission en Algérie” page 171. Il écrit: “…un veilleur de nuit est tué.” Rien n’étaye cette affirmation. Il n’y eût aucun coup de feu de tiré, ni même de victimes. Ni les journaux de l’époque, ni la police dans ses rap- ports n’en fait état.

26 C’était vrai pour la première attaque de la poste programmée dans la nuit du vendredi 4 au samedi 5 mars 1949. Tout fut remis à plus tard. Cette information est discutable , car les respon- sables de l’attaque savaient par Nemiche que les fonds arrivaient tous les lundis.

Le Central télégraphique au 2 rue Floréal Mathieu

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Au Central télégraphique, rien de cela, les amitiés semblaient indes- tructibles entre les jeunes-facteurs des diverses confessions, unis contre l’adversité. Le travail était très dur et la hiérarchie sévère. Oran avait connu des soubresauts inquiétants l’année d’avant, en 1948, date de la création de l’Etat d’Israël28.

Notes

27 Djelloul Nemiche (1922/1992). La taupe comme le désignèrent ses amis. A la suite de ce coup, il entre dans la clandestinité sous le nom de Capitaine Bakhti (1922/1992). جــــــلول بــــــختي نــــــميش. Il est. commandant de la région d’Oran au mois de Juillet 1962. Chef de la zone autonome d’Oran, il interdit la manifestation du 2 juillet 1962, qui lui semblait trop dangereuse, et déclare dans son dis- cours du 01 juillet 1962 aux autorités françaises : “nous avons besoin de vous, vous avez besoin de nous” cité par R.Gallissot dans les accords d’ Evian. La manifestation fut décidée pour le 5 juillet, date souvenir de la prise d’Alger, et aussi premier jour de l’Indépendance algérienne. Elle va se révéler dramatique pour les Oranaises et Oranais qui fuyaient vers le port.Ce fut un massacre, qui a laissé des traces indélébiles. Le fameux général Katz dit-on sur ordre du Gl de Gaulle ne permit pas à ses soldats de sortir des casernes pour éviter ce massacre. Les archives parleront. Cette tuerie sera attribuée à un célèbre inconnu, chef de bande du nom de Attou. Une fausse information du FLN et de Bakhti, née à Pont Albin à 4,5 Km d’Oran le 10 juillet que personne ne crut. Cf le site Algerois (Oran 5 juillet 62). Nemiche fut ministre des anciens Moudjahidines, puis devient Préfet, Ambassadeur en Guinée et Nouakchott en 1979. Ministre des Moudjahidine de 1980 à 1986.

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Pourtant, ce jour-là, la rue était tranquille. Comme à l’habitude, chacun rentrait chez soi le soir après avoir passé la journée ensemble au travail. C’é- tait ça aussi Oran, ensembles dans la journée, chacun son quartier le soir. Mai 1945 et les événements de Sétif étaient encore douloureux. Mais pour nous à Oran, Sétif c’était loin.

D’autant qu’à cette époque, le centre ville d’Oran était presque un “no man’s land”29 pour les indigènes comme on disait pudiquement. Il l’était aussi un peu pour les habitants des quartiers populaires périphériques30. “ On descend en ville”, disait-on! alors, l’habit du dimanche enfilé, les cheveux lustrés à la brillantine Roja, les chaussures bien cirées31, et la chemise bien repassée par la mère ou la sœur, on allait au cinéma, lécher les vitrines des galeries Lafayette ou du Prisunic au coin du boulevard Galliéni, ou prendre la photo souvenir chez Raoul. Mais le plus important restait la promenade sur la rue d’Arzew, les Champs Elysées oranais. Certains préféraient, faire le boulevard à Saint-Eugène. 

Le cireur au café maure en ville nouvelle

Notes

28 En avril 1948, à l’occasion de la célébration de la Pâque juive, en sortant du cimetière juif de la ville nouvelle, des bagarres éclatèrent, entre Juifs et Arabes, faisant de nombreuses victimes. Cet événement engendra un malaise entre les deux communautés, qui jusqu’alors cohabitaient en bon intelligence.

29 D’après le recensement officiel du 31 octobre 1948. Oran compte en 1949, 255.000 habitants dont 65% d’origine espagnole. La population européenne est plus nombreuse que celle des autochtones. R.Tinthouin. Dr es-Lettres.
30 Les quartiers populaires, en majorité ouvriers et employés étaient de gauche, PC et PS. Dans le centre-ville, la population plus aisée se situaient en majorité à droite, et à l’extrême droite comme au quartier Michelet surnommé dans les années 40: Le petit Berlin.

31 Les plus fortunés d’entre nous ( c’est une boutade), se faisaient cirer les chaussures trônant sur les grands fauteuils rouges installés au début du Bd Gallieni, près du Kiosque à journaux. Les ci- reurs officiels étaient des professionnels. Ils donnaient un éclat extraordinaire à des chaussures communes et bon marché. Le cirage n’était pas une simple affaire de chaussures, c’était une cérémonie, avec musique à la clef. Celle des brosses frappant en cadence sur le bois de la boite, lorsque la tâche état terminée.

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Personne n’aurait songé en tout cas pas nous, les oranais d’en-bas, comme disait quelqu’un, que cet acte était une préparation de la guerre d’Algérie. Un Acte Fondateur. Nous étions installés sur notre terre natale pour mille ans, nous aimions notre ville35 et en 1949, à cinq ans du début des événements de novembre 1954, qui aurait pu croire à une pareille tragédie! Cent ans plus tôt en 1847, l’épidémie de choléra avait décimée Oran. Treize ans plus tard, nous la quittions.

Notes

32 Le Prisunic était une enseigne créée par le Printemps en 1931. Le bâtiment a brûlé. Promis à la rénovation pour devenir un Centre Culturel multi-fonctionnel et un Cyber espace.- Article d’El Wa- tan du 15 mai 2005.

33 Une anecdote à propos de ce boulevard qui s’appelait le chemin de la plage. Au début du siècle, encore en terre battue, il fut un terrain d’expérimentation pour un nouveau revêtement gou- dronné. Celui-ci s’avérant concluant, le même procédé fut employé sur les boulevards parisiens.

34 Célèbre photographe du Bd Georges Clémenceau.

35 L’ oranais est rivé à sa ville au-delà du temps et de l’espace, elle est en lui. Les juifs disaient qu’ils emportaient leur terre à la semelle de leurs souliers.

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Sur l’identité des malfaiteurs, pas de doute, la rumeur voulait avoir raison sur un point, il y avait Ben Bella, le futur président de la république algérienne en 1962. Ce qui était faux, il était à Alger. Enfin… pas pour tout le monde. Il circulait tant de versions, qu’il était difficile de savoir laquelle était la bonne. Pour le journaliste-historien Yves Courrières, Ben Bella était à Oran avec Ho- cine Aït Ahmed36. Après avoir mis au point leur plan, ils auraient mené l’at- taque à deux37. Pour d’autres, c’est avec Hamou Boutlélis, cachés à l’hôtel de Paris d’Oran qu’ils auraient monté le coup.

Albert Camus au balcon de l’appartement des Faure, de la rue d’Arzew au-dessus des arcades Audéoud

Ben Bella était connu à tort chez les oranais, comme un fêtard39. Certains disaient l’avoir vu très souvent dans une boite de nuit qui se trouvait au coin de la rue Ampère40 et du boulevard Gallieni, et qu’il se déplaçait dans une traction avant noire. C’était faux. A cette époque, peu de personnes connaissait son importance politique, ni sa vie militaire d’ailleurs, mis à part la hiérarchie militaire et les RG. Il était adjoint au maire de Maghnia, sa ville natale et il vivait entre Maghnia et Alger, à cause de ses responsabilités politiques occultes41. D’autres affirmaient qu’il avait combattu en Indochine, encore une rumeur infondée. Adjudant42 pendant la seconde guerre mondiale, démobilisé en 1945, il n’a pas participé aux combats en Indochine. On racontait encore

Notes

36 Ils se trouvaient chez Souidani Bendjemàa, dans une villa à Victor Hugo, un quartier périphérique d’Oran, quartier mixte- musulmans-Européens.
37 Yves Courrière- Les fils de la Toussaint. Fayard-1968 p.64. Oui, Hocine et Ben Bella se trouvaient bien à Oran pour préparer l’attaque, mais ils n’y participèrent pas.

38 Les immeubles de la rue d’Arzew, qui se situent du N° 61 au numéro 75, ont été construits par M. Faure le beau-père d’Albert Camus époux de Francine Faure.

39 En fait, dès sa libération du corps militaire, il n’a qu’une idée, rejoindre le combat clandestin pour l’Indépendance. Les autorités policières le savent, et va se jouer un chassé-croisé où il va donner le change, même en se faisant élire en 1947.
40 Les Champs Elysées.

41 Responsable de l’OS pour la région oranaise.

42 Pour sa bravoure pendant la guerre, il aurait du être nommé capitaine. Rien ne se fit. A cette époque, les officiers algériens sont rares ou inexistants. Quelques années plus tard, en 1958 éclatait »l’affaire des officiers algériens ». Cf le livre du Lieutenant Abdel Kader Rahmani écrit en prison. Chevalier de la Légion d’Honneur.

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qu’il avait de nombreuses citations43 pour sa bravoure à Monte-Casino au sein des FFL, sur d’autres champs de bataille, et ne pouvait pas avoir participé à un hold-up comme un vulgaire voyou. Les discussions allaient bon train, bon enfant presque, c’est que nous ne mesurions pas encore la gravité de ce qui venait de se passer. Puis, nourrie par d’autres informations volées dans la rue, la rumeur prit une ampleur folle et bascula dans le roman photo. Finis Ben Bella et de ses complices postiers. Il devait s’agir d’un coup monté par Pierrot le fou44, celui qui sévissait en métropole. Peut-on s’en rendre-compte, ce Zazou ici à Oran ! La Police Judiciaire, les RG, tout le monde a cru pendant longtemps à cette version. Elle était commode. Elle rassurait. Le métier d’un gangster c’est de voler, puis d’être pris. Notre Police aura vite fait de l’appréhender. On n’était pas à Paris, mais à Oran. Ici on ne plaisantait pas. Pourtant et on l’apprendra plus tard, il ne pouvait pas s’agir de Pierrot le Fou, puisqu’il était mort en 1946 à Paris, et par accident, fin peu glorieuse pour un bandit. En effet, dans un geste malencontreux, au cours du casse d’une bijouterie parisienne, il s’était tiré une balle dans la vessie. Il en mourut et ses amis l’enterrèrent discrètement. Il survécut à sa légende jusqu’en 1949, date de la découverte de son cadavre par la police. Un gangster sans scrupules et sans morale. Un temps résistant, puis redevient gangster.

Pierre Bernard Loutrel dit Pierrot le fou (1916/1946)

Notes

43 Ben Bella (1916/2012) – احـــــــمد بـــــــن بـــــــلة . Fils de paysans marocains berbères. Né à Maghnia. Incor-poré en 1937 au 14e régiment d’infanterie alpine, il effectue son service militaire à la caserne Saint-Charles, à Marseille/ Puis au 5ème RTM. Il joue à l’OM, saison 39/40. Il marque un but dit la gazette. Entretiens avec C. L. Favrod au Caire. Décoré plusieurs fois pour sa bravoure au combat: Médaille militaire avec 4 citations dont deux à l’ordre de l’Armée, puis à Monte Casino par le Géné- ral Juin et à Rome par le Général De Gaulle qui lui remet la Médaille Militaire en avril 1944. . Dé- mobilisé en juillet 1945 avec le grade d’Adjudant. Un peu avant sa libération, son commandant lui propose de rempiler avec le grade de Capitaine. Il refuse et répond; « C’est trop tard. ». A sa libé- ration, il rejoint la ferme ses parents, où pour donner le change, il sait que la police le surveille, il s’investît dans des démarches administratives, afin de récupérer des terres. Il est déjà militant pour l’indépendance.

44 Pierrot le Fou, ennemi public n°1 en France, de son vrai nom: Pierre Bernard Loutrel- 1916/1946. Poursuivi par le Commissaire Roger Borniche. Il faisait partie du gang des tractions- avant à Pigalle. Comme Roger Giriet dit La Cane qui disait: “Traction avant, Police après”. Ils rou- laient dans des modèles Citroên 11 BL et 15 6. Membre de la Gestapo française.Plus tard, en 1951, Michel Audiart dans le film “Une histoire d’amour” avec Daniel Gélin, fait dire à l’Inspecteur Planche joué par Louis Jouvet la même phrase,

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Le Boulevard Galliéni, ex Bd du Lycée, ex Rue de la Plage

Pourquoi cette rumeur a-t-elle était si persistante? Voici son histoire. Pour ne pas éveiller les soupçons de la police sur une éventuelle organisation militaro-politique algérienne, les responsables de l’OS, décident de donner à ce hold-up toute l’apparence d’un crime crapuleux. Pour constituer le commando, ils choisirent des militants algériens à l’allure européenne, dont un blond, d’autres châtains clairs, grands bien habillés. Les chefs leur ont donné la consigne de parler avec l’accent pointu de Paris, ou de ne pas parler du tout45. L’un d’eux était Haddad Omar dit “Yeux bleus”. De plus le re- cours à la traction-avant était un stratagème intelligent. Ben Bella dans les entretiens qu’il a accordé à Robert Merle46, se donne la paternité de cette idée47. Les témoins s’y trompèrent. Le patron48 du Café-Bar l’Aiglon49 qui se trouvait en face de la grande poste à placer tables et chaises sur sa terrasse, surpris par les cris des victimes répétait que les assaillants étaient des Français. Il en jurait, il les a vu. Le scénario Pierrot le fou était créé. Il aura la vie dure, jusqu’à l’année 1950, date de l’arrestation de plusieurs membres de l’OS et de son démantèlement.

Notes

45 Surtout pas Ben Bella, homme brun, qui parlait avec un fort accent rocailleux en roulant les R.

46 Ben Bella Mohamed احمد بن بلة de Robert Merle, déjà cité, p.80 Edition Gallimard 1965 -Paris.

47 Qu’il faut plutôt attribuer à Hocine Aït Ahmed et Bouchaib.
48 Il s’agit de Michel Zaragossa, d’après Claude Piallat. Cf le Guêpier Tome II- La répudiation.

49 Ce grand café a connu plusieurs vies. Longtemps délaissé, il a été restauré ces dernières an- nées, et a retrouvé ses couleurs en 2019.

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Une Traction avant 15/6 (Daniel Gélin en 1949)

Tout le monde s’était trompé. La vérité était toute autre, mais… la connais-t’on vraiment soixante douze ans après ? Ce dont on est sûr à ce jour, c’est qu’il ne s’agissait pas du tout d’un acte de malfrats qui opéraient pour leur propre compte, ou d’un coup brillant exécuté par une espèce de bel Arsène de Montmartre, mais bel et bien d’un acte politique révolutionnaire, qui allait devenir un Acte Fondateur. Depuis de longues années, la révolte grondait. La guerre d’Indépendance, se préparait en sourdine, grâce à l’existence publique des partis tolérés et par l’existence de l’organisation clandestine. Des centaines de signes avant coureurs auraient dû alerter l’opinion publique, mais qui de la population occupée à travailler, aurait pu croire à la tragédie future? Notre peuple va la découvrir quelques années plus tard dans toute son horreur. Saura-t-on un jour l’histoire réelle de l’attaque de la poste à Oran? Si l’on se réfère aux différentes sources connues, rien n’est plus sûr. Devra-t’on s’en tenir encore aujourd’hui aux rumeurs? Heureusement, les écrits des « Mémoires » des principaux intéressés, vont éclairer cette affaire de façon indiscutable50.

La version officielle ci-dessous démontre que la décision de l’attaque fut décidée après la tenue du congrès historique du PPA-MTLD (Parti Populaire Algérien et Mouvement pour le triomphe des libertés démocratiques)

UN CONGRES HISTORIQUE

Le 1er congrès du PPA-MTLD51 se tint les samedi 15 et dimanche 16 Février 1947 à Alger. A Bouzareah d’abord, à Belcourt ensuite. L’Organisation mère, le PPA sous la couverture légale du MTLD, décida la préparation de la. lutte armée par la création d’une organi- sation paramilitaire, l’organisation spéciale, ou secrète: L’OS, noyau de la future ALN. Celle-ci ne s’organise qu’à par- tir du 13 novembre 1947. Hocine Lahouel52 en est un des membres les plus importants. Après des mouvements in- ternes, où s’opérèrent des changements aux postes de commandement, c’est Hocine Aït Ahmed53 un fils de grande tente, qui dirige l’OS en 1948, il a 22 ans.

50 Voir les « Mémoires d’un Combattant d’Hocine Aït Ahmed et celles de Bouchaib Bel Hadj Ahmed

51 Les congressistes étaient environ 60.

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.

مسالي الحاج .Messali Hadj ( 1898/1974).dit Sidi el Hadj

Membre de l’Etat Major, Ben Bella54 est nommé responsable de l’OS du département d’Oran pour ses compétences militaires. Le Parti réunit les hommes d’extractions diverses, leurs rapports sont quelquefois tendus. Au cours de cette réunion, très animée et tumultueuse, tous les termes de la lutte future furent abordés et naturellement celui des finances. Bien que les cotisations et les dons des mécènes assuraient une rentrée d’argent régulière, les recettes demeuraient nettement insuffisantes et sans commune me- sure avec les besoins grandissants de l’OS et du projet ambitieux qui lui avait été assigné: l’Indépendance de l’Algérie.

C’est alors que l’Etat-major de l’OS55 voulant concrétiser la devise:  » Prendre l’argent là où il se trouve « , c’est-à-dire chez l’ennemi, étudia deux projets56. Celui d’attaquer le wagon postal qui remontait de Colomb-Béchard57 chaque fin de mois chargé de centaines de millions et celui de la grande poste d’Oran58.

Notes

52 Né en 1917 à Skida, ex- Philippeville. DC en 1995 à Constantine. Secrétaire et trésorier du MTLD, fonda le journal: « La nation. algérienne ». il démissionne en mars 1951.Rejoint le FLN en janvier 1955.

53.Hocine Aït Ahmed né le 20.08.1926 à Aïn El Hamman. Il fut un des chefs historiques. L’OS fonctionnait en groupe composé d’un Chef et de trois éléments. On l’appelait l‘organisation “ quatre- quatre”. En 1948, il remplace Mohamed Belouizad ( 1924-1952) à la direction de l’OS. Docteur en Droit. A 52 ans, en mars 1978, il soutiendra en France une thèse de droit public sur « Les droits de l’homme dans la charte et la pratique de l’OUA”.

54 Roger Le Tourneau – Evolution politique de l’Afrique du Nord musulmane (1920-1961) Edit° Armand Colin 1962. Page 374 écrit: “ l’OS a pour chef national, Ben Bella assisté de trois chefs provinciaux”. Depuis on a corrigé. Il l’était pour l’Oranie. Cf son livre majeur «Fez». Un incontournable. Editions Laporte- Rabat- 1987.

55 La direction s’en remit surtout aux militants les plus remuants, ceux qui voulaient en découdre.

56 Poussée par de jeunes militants, impatients de passer à l’action et qu’il fallait modérer.
57 Mémoires d’un combattant de Hocine Aït Ahmed P.165.

58 D’après Ben Bella, ce fut au cours d’une réunion tenue début 1949 dans la région contrôlée par le Bachaga Boualem dans la ferme de Djillali, que la décision de l’attaque fut prise. Il déclara en être le principal instigateur. Cf Robert Merle : Ahmed Ben Bella, P. 82 Gallimard Paris 1965.

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Le premier projet fut abandonné, l’organisation ne disposait pas encore d’une logistique suffisante pour mener à bien un tel hold-up59. Celui de la poste paraissait plus facile, d’autant plus que les renseigne- ments fournis par l’agent de la Poste, Djelloul Nemiche60 étaient fiables.

On s’éloigne de l’affirmation du journaliste-historien Yves Courrière, selon laquelle, comme on l’a écrit plus haut, quelques jours plus tôt, à l’Hôtel de Paris à Oran , Ahmed Ben Bella61, Hocine Aït Ahmed, les deux responsables de l’OS du PPA en compagnie de Hamou Boutlelis62 se seraient réunis pour préparer l’attaque de la grande poste63. Cette version est d’ailleurs contredite plusieurs fois. Ben Bella se serait trouvé à Alger, comme l’écrit Yacef Sâadi et Madame Abane qui enchérit: “ il n’était même pas au courant ”. Pour l’historien Jacques Simon, il était à Oran, mais au local de Bouchaïb, rue Agent Le- pin64 à Courbet, un quartier à l’Est.

Notes

59 Hocine Aït Ahmed aurait dit: « On n’est pas au Far West ».
60 Djelloul Nemiche et Hocine Aït Ahmed, vont se rencontrer au jardin du petit Vichy à Oran.

61 Meziani Mohamed ben Embarek de son vrai nom dit Hemmimed, alias Abdel Kader Mebtouche ou Messaoud Mezzia dit Ben Bella , né le 25/12/1918 à Marghnia- Etudes secondaires à Tlemcen. Elu du MTLD- Conseiller municipal de sa ville en 1947. D’après le texte de Yacef Saadi au journal Liberté du 11/11/2002

62 1920/1957- Chef de l’OS régionale d’ Oranie.

63 D’après les déclarations de Yacef Saadi, au journal Liberté du 11/11/2002, le véritable architecte de l’opération fut Amrani Saïd- Cadre dirigeant du PPA et militant actif. Ce nom n’apparaît dans aucun document consulté au sujet de la poste.
64 Rue Agent Lepin à Courbet. Quartier au-dessus de Gambetta. Actuellement rue Abdallah Ben Mohamed à Séddikia. C’est probablement à cette adresse que fut retenu le docteur Moutier toute la nuit et d’où il réussit à s’évader et à donner l’alerte. Déclaration de Bouchaïb au Quotidien d’Oran.

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La gare ferroviaire d’Oran- PLM (Paris-Lyon-Méditerranée)

Que signifient toutes ces versions? Comment un événement somme toute banal a-t-il donné vie à tant de récits aussi contradictoires et qui font douter de ce qu’en ont écrit leurs auteurs? En effet, comment ensuite donner du crédit à d’autres faits historiques, quand on se rend compte d’erreurs aussi grossières? A moins, que des raisons supérieures et qui nous échappent guident ces auteurs? Yves Courrière, journaliste-historien de la guerre d’Algérie s’il en fut, écrit que c’est Ben Bella65 et Hocine Aît Ahmed qui préparèrent et firent le coup. A deux donc. Or, on l’a vu plus haut, en 1949, des changements fondamentaux avaient eu lieu à la tête de l’OS. Comment les deux chefs les plus importants du moment, auraient-ils pris ces risques in- sensés? Dans ses entretiens avec Robert Merle, Ben Bella déclare, tout comme Hocine dans ses “ Mémoires d’un combattant” ne pas y avoir participé. Oui, mais en tant que stratège, et non en tant qu’exécutant. C’est curieux!

Mohamed Harbi est catégorique dans FLN, Mirage et Réalité66, il écrit : “ contrairement à ce que j’avais écris dans mon livre « Aux origines du FLN » ce n’est pas Ben Bella, mais Hocine Aït Ahmed qui prépare le coup avec le concours de Ben Bella. Le commando qui exécute l’attaque est composé de quatre hommes, Souidani, Boudjemâa, Khider et Haddad”. C’est clair, mais ce n’est pas exact, car il manque le principal, Bouchaib Belhadj Ahmed et Mohamed Khider le chauffeur..

Notes

65 Roland Bacri s’en mêle aussi qui écrit de manière burlesque que: “ Ben Bella vola la poste d‘Oran”.

66 FLN, Mirage et Réalité- Edit° J.A, 1985, page 56, note 32.

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L’attaque devait avoir lieu le vendredi 4 mars 1949. Une date bien mal choisie. On l’a vu plus haut, les mouvements de fonds ne s’opéraient qu’une fois par mois, le premier lundi du mois. Il fallait une voiture. Dans la nuit du 1 au 2 mars, vers 23 heures, après la sortie des spectacle à la rue Elysées Reclus, deux hommes prennent un taxi, et braque le chauffeur. Qui sont-ils? Ils filent rejoindre leur planque vers Eckmühl, un quartier d’Oran67. Le chauffeur est ligoté et abandonné au près du stade Follana (Allende) dans le même quartier68. Le 4 mars au matin, au dernier moment, le chauffeur désigné, Mohamed Khider, refuse de conduire le taxi volé. En mauvais état, celui-ci tomba en panne à quelques minutes du bâtiment, et une affluence inhabituelle à cette heure matinale acheva de les convaincre d’abandonner leur mission, écrit Hocine Aït Ahmed dans ses « Mémoires d’un combattant ». La stratégie élaborée par les politiques tombe à l’eau. Il avait été convenu, pour le mettre à l’abri des soupçon, que Ben Bella devait se trouver à Maghnia chez ses pa- rents, puis regagner Alger le lendemain. La date change et les consignes aussi.

L’affaire est remise dans la nuit du lundi 4 au mardi 5 avril 1949, très tôt. Toujours pour avoir un alibi ( il était dans le collimateur des RG), Ben Bella

Hocine Lahouel 1917/1995.

Notes

67 Régis Salphati: “Que reste-t-il?”, Edt° le Manuscrit 1962

68 A la suite de cette attaque, les chauffeurs de taxi oranais refusèrent de prendre des clients la nuit. Ils réclamèrent aussi d’être armés, ce qui leur fut refusé, comme aux médecins d’ailleurs. Malgré la demande officielle du docteur Laborde rappelant une lettre parue dans « Confraternité » l’organe officiel du conseil de l’ordre, de la circulaire ministérielle refusant la délivrance du port d’armes.

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devait se rendre à l’hôtel du Muguet à Alger les 3 et 4, d’où il prendrait le train de nuit pour Oran. A la gare d’Alger, Hocine et Ben Bella se rencontrent rapidement. L’un arrive d’Oran, l’autre y repart.. Lorsque Ben Bella arrive le mardi 5 avril à 13h30, à Oran, l’opération est déjà terminée. Lors de son arrestation en mars 1950 et au cours de son interrogatoire, il affirme avoir été l’instigateur, mais nie sa participation. Ce que confirment ses déclarations à Robert Merle69et le rapport de police de mars 195070.

L’ épisode du taxi volé abandonné au quartier de Saint Eugène et de son chauffeur ligoté au ravin Raz el Aïn correspond à la première ten- tative avortée. Nous en avons décrits les cir- constances. La rumeur oranaise va mélanger les deux affaires.

1926/2015( Hocine Aït Ahmed حسين آيت أحمد.

La version selon laquelle, quelques membres du commando recrutés à Alger arrivèrent à la gare d’Oran et furent accueillis par Ahmed Bouchaïb, est la plus probable. Après les signes de reconnaissance de rigueur, mot de passe reconnu et un journal sous le bras, il les conduisit chez lui près de Gambetta à la. rue Agent Lepin73.

Pour couvrir les 450 kms, entre Oran et Alger, Il fallait s’assurer d’un bon véhicule. L’idée s’imposa d’utiliser deux voitures. La première, pour le trans- port de la somme vers Alger, on choisit celle du député Mohamed Khider71, munie de sa cocarde tricolore. Hocine Lahouel72 l’avait désigné. C’était un homme fiable et au-dessus de tout soupçon. Ces informations fournies par la fondation Benyoucef Benkhedda ne sont pas exactes; La voiture du député Khider fut bien utilisée, mais à son insu, il ne se trouvait pas à Oran.

Notes

69 Ahmed Ben Bella de Robert Merle déjà cité, page 82, Gallimard Paris, 1965.

`70 Cf annexe. Déja cité.

71 Né le 13 mars 1912 à Biskra. Ex-conducteur de tramway. Le traminot autodidacte. Député du MTLD. Ministre d’Etat dans le GPRA. Son histoire est tragique. Il entre dans l’opposition et il est dit qu’il garde par devers lui les fonds du F.L.N pour les réserver à la cause. Il fut assassiné à Madrid le 04 janvier 1967.

72 Hocine Lahouel, né le 17/12/17 à Skida. Premier permanent du parti. Au congrès de 1947, Il présente le bilan et définit l’orientation et les principes.

73 Déjà cité: rue Abdallah Ben Mohamed à Sedikkia ex Courbet

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Rue Dutertre74 au Plateau St Michel en 1949

74 En souvenir du fameux capitaine Dutertre du 8ème chasseur tué à Sidi Brahim en 1845. Quand Abd el Kader (1808/1883), emmenant le prisonnier Dutertre près de la redoute, où se trouvaient les troupes françaises, lui demande d’appeler les soldats français à la reddition: Il crie: « Cama- rades, défendez-vous jusqu’à la mort ». C’est cette phrase qui était inscrite au bas du monument, inauguré en 1898, qui se trouve sur la Place d’Armes d’Oran.

75 Et aussi à un concours de circonstances heureuses.
76 L’appartement du docteur se situait juste en dessus de la pharmacie Desmortières.

77 cf Le Guêpier de C.Piallat TII, page 18,20 et 21, La liquidation 1954/1962.

78 En fait, madame Moutier dira à la police : Ils ont demandé à mon mari de venir soigner une femme en couches difficiles, c’était grave et urgent ».

Pour la seconde voiture, le groupe opta pour une traction avant, à cause de ses performances75. Sortie des chaînes en 1947, elle atteignait le 100 de moyenne. L’avant veille, le commando décida de reconnaître les lieux et de noter les sens de circulation de la ville. Tous n’étaient pas des Oranais. Pour le repli, c’était important. Ils prirent la rue Alsace Lorraine à pied, pour se rendre à la place de la Bastille où se trouve la Poste centrale. En passant devant le n° 4476, il virent la plaque du Docteur Moutier “ Médecine générale et Pédiatrie” et sa voiture, une traction avant noire 15 Six neuve. Ils notent le numéro de téléphone: 212-18. C’est celle-là qu’il nous faut, se dirent-ils! L’i- dée de téléphoner au docteur sous un faux prétexte s’imposa. Yves Cour- rières écrit : “ Hocine Aït Ahmed, après lui avoir téléphoné, força le médecin à l’accompagner (à l’hôtel de Paris ?) sous le prétexte de soigner un malade”. Cette éventualité est tout-à-fait possible. Mais, que penser après avoir lu Claude Piallat77 qui écrit : ” Mohamed Khider et Ben Bella se présentent au domicile du docteur”. Où se trouve la vérité? C’est l’idée de Hocine et c’est lui qui la réalise. Il ne força pas le docteur, il lui téléphone d’abord, puis vient le chercher. Ils étaient deux. Celui-ci accepta immédiatement de venir avec Hocine voir le malade, un enfant?78.

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Cette demande n’a nullement étonné le docteur. L’épouse du docteur Moutier, inquiète de ne pas voir revenir son époux, téléphona le matin même à la police, à qui elle déclara: “ Un homme a téléphoné vers 05h45 pour de- mander à mon mari de venir au chevet de son épouse malade”. Cette version atteste que c’est bien la voiture du docteur Moutier, la traction avant, qui fut utilisée. Sur l’auteur de la communication téléphonique, c’est bien Hocine Aït Ahmed, qui se présenta chez le docteur, après lui avoir téléphoné, pour lui expliquer le motif de sa visite79. Sur l’heure, il n’y a pas de certitude.

Une affiche publicitaire à Oran en 1950 Une traction avant: Prix 17.700 francs

Mohamed Ali Khider dit Sid Ali, est le chauffeur désigné. Le médecin fut fait prisonnier toute la nuit que dura l’affaire, au local de Gambetta80. Il parvint tout seul à se libérer de ses liens81, et déclencha l’alerte. Il perdit sa voiture, sa montre, son portefeuille avec 10.000 francs, et son stylo, mais il était sauf,

Notes

79 Il se présenta en costume, très bien habillé, portant des lunettes cerclées de dorures, et son visage, orné d’une moustache en accent circonflexe, son chapeau ( d’autres écrivent: un.béret basque, peu probable) la main, autant de signes d’une bonne éducation. Le docteur le suivit sans craintes. Il va le regretter.
80 D’autres auteurs écrivent qu’il fut abandonné ligoté près de Canastel, à côté de la Cueva del Agua, une crique très connue des oranais. Géographiquement ce lieu n’est pas loin de Gambetta, un quartier d’Oran. Note pour les oranais: La Cueva del Agua n’existe plus, une autoroute la rem- place, réalisée par une entreprise turque.En 2019, cette route était pratiquement terminée.

81 Son gardien laissa la trousse du docteur près de lui. Celui-ci l’ouvrit, prit le bistouri avec lequel il put couper ses liens. C’est Bouchaib qui assomma le docteur, à sa descente de voiture. Pourquoi l’assommer ? Le docteur est venu de son plein gré au chevet d’une malade. Il ne pouvait pas dénoncer ses ravisseurs, il ne les a pas vus. C’est une violence gratuite dictée par les circonstances.

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c’était le principal. C’est son confrère le Dr Bergalt qui pansa ses plaies82. Sa vie quotidienne s’en trouva changée. Peut-être fut-ce là la raison de l’arrêt de ses activités quelques temps après.

Ben Bella83 comme Hocine déclarèrent plus tard, l’un dans ses Entre- tiens, l’autre dans ses Mémoires qu’ils ne participèrent pas à l’attaque. Ce qui ajoute à la confusion. Selon une version, on l’a vu plus haut, pour son alibi, Ben Bella se trouvait à Alger la veille, ou plutôt dans le train Alger-Oran, puis- qu’il va arriver mardi à 13h00 à la gare centrale, c’est lui qui le dit. Mais Yacef Saâdi84 contredit cette version. Il écrit que le 5 avril, Ben Bella qui s’était auto proclamé organisateur en chef faisait les cent pas sur le parvis de la grande poste d’Alger et que l’architecte de l’opération était en réalité Amrani Saïd, à cette époque lui aussi un des dirigeants de l’OS.

Par l’étude d’entretiens, livres et Mémoires édités, quels intérêts ou quelles stratégies ont été suivies tout au long de ces années par Ben Bella et par Hocine Aït Ahmed pour minimiser ainsi leur implication , les falsifier, ou les raconter à leur manière? Courrière ne l’a pas inventé tout de même! et Charles Henri Favrod non plus, ni Robert Merle. Chacune de ces personnalités donnant une version différente, sur une action politique qui s’inscrit dans la lutte pour l’indépendance du pays. C’est étrange.

Le bd front de mer

82 Le journaliste, Firmin Ellul qui relate cette affaire dans l’Echo d’Oran du 6 avril 1949, écrit que le docteur a été ligoté, bâillonné, frappé, à coups de pieds, chaque fois qu‘il esquissait un mouve- ment. Et cela dura toute l’a nuit. Au petit matin, il découvrit qu’il était seul. Benzerga Benaoum, le gardien avait pour ordre de déguerpir le matin. Le docteur a été mal récompensé de son sens moral et de sa disponibilité. Frappé, au sol., personne n’a montré de l’indulgence pour ce médecin.

83 Ahmed Ben Bella de Robert Merle, page.79,82 Gallimard Paris, 1965, déjà cité.

84 Article du quotidien Liberté du 11 novembre 2002. Yacef Sâadi est né le 20.01.1928 à Alger. Chef militaire de la zone autonome d’Alger, il est un des leaders algériens lors de la bataille d’Alger. Capturé par les parachutistes le 24.09.1957, Il fut le conseiller de Gillo Pontecorvo pour son film “ La bataille d’Alger”. Nommé Sénateur en 2001. Ce qu’il dit est erroné.

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Par contre, et pour le disqualifier totalement, madame Abane85 écrit que Ben Bella n’était même pas au courant de cette affaire, ayant été tenu à l’écart de ce projet par les hommes de l’OS qui n’avaient pas confiance en lui. Elle précise “ L’opération fut l’affaire d’ Aït Ahmed, de Saïd Ouali (encore un nouveau) et Omar yeux bleus”. Elle n’aimait pas Ben Bella.

Pour corser le tout, Norbert Régina86 nous présente d’autres acteurs en- core dans son livre: « Ils croyaient à l’éternité ». Il écrit: “ Yacef se creusa la cervelle pendant des jours avant de songer à la poste d’Oran…../……il mit un mois à réunir le commando, les mitraillettes, pistolets, cagoules et sacs. Il était huit moins le quart, à cette minute précise, Yacef et la moitié de son commando approchait de la poste centrale d’Oran…/…..” Là encore, un vrai film policier, rien ne manque, un cerveau c’est Yacef, les armes, les cagoules! De quel Yacef s’agit-il?deYacef Sâadi?Aucun document historique ne signale la présence de Yacef à Oran, ni dans la préparation politique du coup, ni dans son exécution, ni même à l’OS. Invention romanesque de l’auteur, ou bien une partie cachée de la vérité ?

Il est maintenant évident qu’Hocine Aït Ahmed ne fait pas partie du commando non plus, ce qui n’exclut pas sa participation en tant que stratège. D’après son livre, “Mémoires d’un combattant87, ” il écrit: “ l’opération de la poste d’Oran vient d’être réussie. J’en connais les grandes lignes par le rap- port que me fit Souidani”. Il ne dit pas où il se trouve, quand il apprend la nouvelle, à Oran, à Alger? Probablement à Alger, puisqu’on le sait maintenant, il prend le train à Oran pour Alger la veille de l’attaque. il continue: “ Quand aux péripéties du déroulement, Bouchaïb, Haddad et Khider sont en- core en vie et ils auront sûrement d’intéressantes précisions à apporter”. L’intérêt de cette déclaration, outre qu’elle souligne sa non participation désigne clairement trois acteurs principaux. Mais sont-ils tous blonds, grands et aux yeux clairs comme le déclare Ben Bella ?

Le mystère reste entier. Les deux chefs de l’OS admettent avoir été au courant de cette affaire, l’avoir organisée et réussie. . Plusieurs auteurs les désignent comme les instigateurs principaux. Nous ne tiendrons pas compte d’autres noms que ne recoupe aucune information sérieuse, comme celle du docteur Lamine Debagghine88, bien qu’il occupa une place prépondérante au parti avec Saïd Amrani dont parle Yacef Sâadi. Le docteur enrage quand il apprend qu’il est cité dans cette affaire.

Notes

85 Izza Bouzekri, dite Saleha, (1929/ 2017)- Epouse de Ramdane Abane ( 1920/1957) un des responsables politique du Parti, assassiné, dit-elle par des membres du parti, le 27 Décembre 1957 au Maroc. Sténo-dactylo de formation, c’est elle qui tape les 6 premiers numéros du journal « El Moudjahid, » ainsi que la plateforme du congrès de la Soummam en août 1956.

86 Norbert Régina: “Ils croyaient à l’éternité”, Flammarion Paris,1989.
87 Cf “Mémoires d’un combattant” page 174, de Hocine Aït Ahmed 1983 ISBN 2865830349

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A ce niveau de notre article, et pour le clarifier, on peut éliminer certains noms du fait même qu’ils se sont éliminés eux-mêmes: Ben Bella, Hocine AÏt Ahmed, Mohamed Khider le député, Yacef, le doc- teur Lamine et certifier d’autres noms de participants, comme Souidani Boudjemaa89, Bouchaïb Bel Hadj Ahmed , Omar Haddad, Khider Sid Ali, Bouyahia, Lourguioui, C’est Hamou Boutlélis qui leur remet les armes90.

(1918/2012) احمد بالحاج بوشعيب. Bouchaib

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Rue Alsace Lorraine années 50

L’attaque de la poste d’Oran eût lieu entre 7h45 et 8h00, le mardi 5 avril 1949, et rapporta trois millions cent soixante dix huit mille francs (3.178.000) environ 330.000 Euros. Le montant de cette somme, est la seule information sur laquelle tous les historiens s’accordent à quelques francs près. L’information était bonne. Le 4 avril, premier lundi du mois, les mouvements de fonds avaient bien eu lieu. Cette fois, la date avait été bien choisie.

Notes

88 Jamel Eddine Derdour dans son livre: “de l’Etoile nord-africaine à l’indépendance” : itinéraire d’un homme politique. Janvier 2003, l’Harmattan écrit : “ L’Instigateur de l’attaque est le docteur Lamine Debbaghine”. Ah! Bon.
89 Responsable de l’OS dans le Constantinois.

90 Freha Mohamed, qui confirme ces noms. Cf: Du mouvement national à la guerre de libération -1945/1962/Tome1-Page 26.

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Une autre énigme restait à élucider, le nombre et le nom des partici- pants. Selon certains textes, ils étaient douze. Ce qui paraît inconcevable. Pour Yves Courrières, ils étaient deux ce qui l’est encore. Selon les sources les plus fiables, le commando se composait de 12 militants, 7 actifs et 5 dormants91. En fait ils étaient sept, écrit Bouchaib, et on va le croire. Deux au guet, un chauffeur, trois à l’intérieur, un au télégraphe. Djelloul Nemiche92 agent de la poste principale d’Oran, futur ministre des Anciens Moudjahidins ne participe pas. Ahmed Bouchaïb dit Si Ahmed93, Boudjemaa Souidani94 qui devint un lieutenant de Amar Ouamrane95 à Boufarik, Mohamed Ali Khider dit Sid Ali96 , le chauffeur, Omar Haddad, dit “Yeux bleus” Ammi Rabah97, Rabah Bitat98 qui deviendra ministre d’Etat puis Président de l’Assemblée algérienne sous la présidence de Houari Boumédienne, et Président de la république algérienne par intérim, et un autre militant99

Notes

91 Le site de la communauté Algérienne: Aldjazair.net, dans son hommage à Ahmed Zabana, le fait participer à l’opération de la poste d’Oran. Impossible. Né en 1926 à el Kasd, vit à Oran. Militant de la première heure, il est condamné à mort et exécuté à Alger le 19 juin 1956.
92 Connu plus tard sous le nom de capitaine Bakhti. Ici encore, rien n’atteste sa présence ce jour- là comme participant actif. Par contre , il devait se trouver à son poste. Il n’apparait pas non plus dans la liste des participants sur la plaque de marbre de la Poste.

93 De son vrai nom Bel Hadj Sid Ahmed, d’Aïn Témouchent. Un des 22 historiques qui ont déclenché la lutte le 1er novembre 1954. Cf Boudiaf et les irréguliers de Aissa Kechida (Le Matin-janvier 2002.
94 De son vrai nom: Soudani Boudjemaâ ben Lakhdar dit Si Lakhdar dit Djilali.(Guelma 1922-1956) Membre des 22. Il obtient la première partie du baccalauréat, employé typographe dans l’imprime- rie de Mr Attias de 1939 à 1942. Il avait toujours une arme, un 11/43 qu’il avait surnommée Biquette. Condamné à mort par contumace. C’est lui qui le 25 juin 1954, à Alger au cours de la réunion où se constitua le groupe des 22, intervint de manière décisive pour convaincre les participants du principe du déclenchement de la lutte armée. Puis au Clos Salembier -Alger, en avril 1954- participe à la création du CRUA (Comité révolutionnaire d’unité et d’action) Ancien chef de l’OS à Philippeville.

95 Ex sergent de l’Armée française

96 C’est lui qui remet le télégramme écrit en Anglais par Hocine Aït Ahmed au préposé du télé- graphe. Bouchaib écrit que c’est Hocine Aït Ahmed . F. Ellul le journaliste écrit que c’est un enfant . La mémoire joue des tours, et surtout les témoignages.
97 De son vrai nom Lourguioui Rabah. Ammi est le surnom qu’on lui avait donné au journal el Moudjahid où il travaillait après l’indépendance.
98 Rabah Bitat, né le 19.12.1925 à Aïn el Karma (Constantinois)
. Membre de l’OS, sera condamné à 10 ans de prison par contumace pour sa participation à l’attaque de la poste. Il fait partie du groupe des 22 ainsi que celui des 9 chefs historiques. Il n’est pas cité sur la plaque commémora- tive fixée su le mur de la poste d’Oran. On ne trouve pas sa trace non plus, dans les mémoires de Hocine , ni dans celles de Bouchaib, ni son nom dans la plaque de la Poste à Oran.
99. M’Hamed Yousfi écrit dans “ Le complot d‘Algérie 1950-1954 “ ENAL 1986, page 68: “ que Souidani et Bouchaïb” faisaient partie du commando. Dans Histoire de l’OS durant l’été 1950, de Morland, Barrangé, Martinez chez Julliard 1964 page 20, on lit: “Si Ahmed ( Belhadj Bouchaïb) qui avait participé avec Ben Bella à l’attaque fut arrêté”.

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A la lumière de tous ces éléments nouveaux, le rôle déterminant d’Hocine Aït Ahmed et Ben Bella, est clair et bien établi. Ils sont les principaux instigateurs de ce coup de force. Il n’est pas étonnant que l’opération organisée par un politique et un stratège militaire se soit déroulée sans encombres. Ce qui fait dire à Jacques Simon 100 non sans ironie : “ Aït Ahmed fera un récit pittoresque de ce hold up, équipée plus que militaire, qu’Al Capone réalisait avec moins de moyens et d’hommes et sans une étude approfondie de Clauswitz”101.

Les militants se présentent enfin vers les 07h45 ce matin du mardi 5 avril 1949, garent la traction-avant près de la rue Picard, moins fréquentée, et pénètrent dans la poste, par la petite porte du télé- graphe102. Pour détourner l’attention, Aït Ahmed avait préparé la veille un télégramme de 57 mots rédigés en anglais à destination de Glasgow en Ecosse103, dans lequel il s’agissait d’une forte commande de tissus, et signé M.Lopez de Saint Denis du Sig, qu’il remit lui-même au préposé104.

Les trois hommes sont déterminés105, calmes, bien habillés: Mohamed Khider dit Sid Ali, reste au volant, le moteur allumé. Rien n’est étrange, cette voiture neuve, avec un chauffeur de Maître n’éveille aucun soupçon. De plus, il n’y a pratiquement personne dans la rue Alsace Lorraine à cette heure matinale. La poste ouvre ses guichets à 8h00, mais Nemiche a fait le nécessaire. Deux guetteurs à l’extérieur: Bouyahia Mohamed et Lourguioui Rabah. Omar Haddad, Souidani Bendjemaa et Bouchaib Belhadj Ahmed , entrent

1922/1956( .Souidani Boudjemaa-سويداني بوجمعة

Notes

100 Jacques Simon- Algérie – l’Harmattan 2007

101 Remarque sarcastique déplacée contre des militants, qui n’étaient pas des gangsters comme la Mafia de Chicago, mais des combattants pour l’indépendance.100 Jacques Simon- Algérie l’Harmattan 2007

102 Celle-ci a subi de nombreuses transformations depuis 1949. C’est la rue Pierre Pïcard. 103 D’autres écrivent, un télégramme pour Manchester..

104 L’Echo d’Oran du 6 avril 1949, écrit que c’est un enfant arabe qui remit le télégramme. Signé F.Ellul. Ce qui est peu probable.

105 Bouchaib Belhadj, Haddad Omar et Souidani Boudjemaa..

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trouvent deux employés sur place, monsieur Gustave Barreau106 le caissier, qui défendit sa caisse. Face à ses trois hommes armés, il s’évanouit107 à l’entrée des assaillants108. C’est le jeune caissier son aide, M.Raphael Fabre109, qui malgré l’ordre: « Haut les mains, que personne ne bouge », crie : « Au voleur, Assassins! »

Bouchaib l’assomme d’un coup de crosse de sa mitraillette Sten, et le neutralise. Tout avait été prévu. Yves Courrière110, qui attribue la paternité de l’attaque à Ben Bella et à Hocine Aït Ahmed, et qui situe l’attaque le soir à la fermeture, ce qui est faux, écrit que Ben Bella dans son émotion a oublié les sacs contenant plus de 30 millions111, ce qui est faux aussi.

Benyoucef Khider Mohamed le Député 112 (1912/1967).محمد خيضر

En fait, le contrôleur a réussi à actionner l’alarme directement reliée au commissariat central et a précipité la fuite des brigadistes 113/113 bis /113 ter. Pour Alistair Horne 114 c’est Ben Bella dirigeant de l’OS allié à un jeune kabyle de 26 ans115, Aït Ahmed qui organise son premier grand coup, un raid armé contre la poste qu’il qualifie de montage d’amateurs. Affirmation expéditive, qui ignore les hiérarchies de l’organisation, et la préparation de l’attaque. Hocine Aït Ahmed est le supérieur de Ben Bella dans l’OS en 1949.

Notes

106 Histoire de l’Algérie française 1830-1962 de Claude Martin. Edit° des 4 fils Aymon 1963. p. 368 .Cf note 6 : le Gouverneur Nageelen écrit que le caissier fut tué. Ce serait la raison pour la- quelle, Ben Bella une fois arrêté aurait été condamné pour homicide et attaque à main armée Il n’en fut rien. Il n’y eût pas de victimes et Ben Bella fut condamné à de la prison ferme. Les deux informations sont erronées.

107 Il est plutôt assommé par Bouchaib. Bouchaib ne s’encombre pas de politesse. Il assomme.

108 L’article de l’Echo d’Oran du 6 avril 1949 écrit, que les deux caissiers se ruèrent sur les as- saillants qui les assommèrent, pour ne pas se servir de leurs armes, et ainsi donner l’alerte. M.Barraut avait déjà été attaqué en 1936, devant la banque d’Algérie.

109 Bouchaib le désigne comme un jeune homme fort et corpulent.
110 Yves Courrières- Les fils de la Toussaint- Edt° Fayard 1968- p.64
111 Robert Aron dans “ Les origines de la guerre d’Algérie”, chez Fayard 1962, p.312; écrit que : “à l’instigation de Mohamed Khider, le député du MTLD, une bande armée attaque la poste centrale d’Oran. Les voleurs emportent 3,170,000 francs laissant dans leur hâte 33 millions sur le plancher”. C’est en lisant les journaux du lendemain que le commando apprit du même coup, le montant du vol et les sacs oubliés, 30 millions pour les uns, 80 pour d’autres. Comme on, le constate, ces écrits sont fantaisistes.

112 Assassiné à Madrid , le 3 janvier 1967. L’affaire des fonds du FLN.
113 Cette version, n’est pas prouvée. Ce sont les cris du jeune postier caissier Fabre, qui a accéléré l’attaque et provoqué la fuite, et permit « d’oublier »les fameux autres sacs d’argent, qui se trouvaient dans le coffre, donc difficile d’accès- Cf Carlier qui empl
oie cette expression-

113 bis -Cf- Omar Carlier, Entre nation et jihad. Histoire sociale des radicalismes algériens, préf. de Jean Leca, Paris, Presses de la Fondation nationale des sciences politiques, 1995.

113 ter-Cf l’excellent article de M. Amar Mohamed Amer- Dr adjoint du CRASC d’Oran. Ci-dessous son Adresse Web: https://books.openedition.org/psorbonne/55622

114 Alistaire Horne, “ Histoire de la guerre d’Algérie”, page 76, Edit° Albin Michel Paris, 1987.
115 Non, il a 23 ans. (1926/2015)

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On le répète, deux des plus importants chefs de l’OS, prenant ces risques insensés. Cela paraissait peu probable. Et pourtant c’est vrai. Mais alors, pourquoi ces divergences? Yves Courrières écrit: “ Les deux chefs nationaux prennent des risques énormes”. Mais il écrit aussi que l’attaque a lieu en fin de soirée. C’est faux. Le moment où il y a le plus de monde dans la rue ? Oran vit à l’heure espagnole. Ecrit Insensé.

احمد زبانة Ahmed Zabana

   رباح بتات Rabah Bitat

Ils auraient été cueillis sans ménagement et cela aurait été dramatique. Un groupe d’hommes déterminés et en armes poursuivis par la Police. Une fusillade s’en serait suivie; Un drame. Ce n’est pas possible. Les journaux de l’époque qui rapportent ce fait divers, ne parlent pas de victimes, ni de donne de détails spectaculaires. L’évènement va paraître en première page et en page intérieure de l’Echo d’Oran du 6 avril 1949.. Curieuse version!

En vérité, l’affaire était trop sérieuse; le plan d’attaque avait été étudié et les inconvénients analysés. C’est justement l’affluence inhabituelle à 8h00 , et le taxi défaillant, le vendredi 4 mars qui avait fait remettre le coup. Et c’est encore sur une information sérieuse de Nemiche Djelloul et d’une étude tac- tique d’action et de repli qu’est réalisé le coup le mardi 5 avril 1949.

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Un grand nombre d’historiens s’accordent à écrire que l’agression eût lieu à l’aube. Entre 5h45 et 6h20, ce sera à 07h45, deux personnes, on l’a dit, se trouvaient dans le bâtiment, plus les deux femmes de ménage, et rares étaient les passants. Les plans de la poste centrale étaient connus. Celle-ci disposait à l’arrière d’une entrée, constituée d’un portail en bois à double bat- tant, pour les camions postaux, à l’intersection des rues de Lyon et Ampère, et d’une autre petite porte sur le côté dans la rue Pierre Picard. Une fois le coup exécuté, c’est par cette porte qu’ils devaient s‘enfuir. En actionnant l’alarme, le réflexe du Contrôleur116 fut le petit détail qui bouscula les plans les plus échafaudés. Il s’agissait d’un vol à main armée sans violence. Il fallait faire croire, on l’a dit à un délit crapuleux portant la marque du célèbre gang- ster parisien. Ne pas se faire prendre et filer. Qu’importe les sacs restés à terre, ou dans le coffre. Le groupe est sauf, le coup est fait. L’organisation va disposer d’une somme importante, la révolution est en marche.

La Brasserie l’Aiglon de Mr Michel Zaragoza, au coin de la rue Alsace-Lorraine et de la Place de la Bastille

C’est là, à leur sortie précipitée par la petite porte de la poste, que le patron du café-bar l’Aiglon117 et les clients du Vallauris, qui se trouvaient à l’angle de la Place et de la rue Alsace Lorraine les virent, et affluèrent avec des chaises. Mais l’allure décidée de Bouchaib et surtout sa mitraillette eût tôt fait de les dissuader. Tous se replièrent. Une distance d’à peine dix mètres les séparait. D’après le témoignage de M. Sabba,118, il en remarqua trois, et trois Européens déclara-t-il à la police, qui s’étaient enfuis à bord d’une traction-avant noire toute neuve. La ruse avait fonctionné. Ce qui confirmait la déclaration de Ben Bella : “On avait choisi des militants de type européen assez grands et bien habillés”. La rue à cette heure était presque déserte. La police ne recueillit que de vagues témoignages. Une voiture qui filait, c’était banal.

Notes

116 Cf note N°84.
117 Il s’agit de Michel Zaragoza d’après Claude Piallat, déjà cité plus haut page 10.

118 Il y eût un autre témoin M. Gilbert.Sabba qui assurait le service de nuit au télégraphe. ( L’Echo d’Oran)

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Le coup fait et réussi, presque sans encombres, une partie du groupe s’enfuit dans la traction-avant du docteur Moutier avec le butin vers Courbet rejoindre la planque de la rue Agent Lepin à Gambetta, et un seul partit à pied. Il ne sera pas arrêté. C’est Khider Mohamed dit Sid Ali119 qui conduit sous la direction de Belhadj Bouchaïb dit Si Ahmed. Dans la voiture se trouvaient Souidani, Boudjemâa et Haddad Omar120 dit yeux bleus. Donc, ils étaient cinq, quatre dans la voiture et un qui est parti à pied. Où sont passés les autres? Les deux guetteurs sont partis le coup fait. Où est passé Boutlélis Hamou121 l’ oranais ?

Le lieu de regroupement de la bande, se situe à Gambetta, à moins de 15 minutes de là. La voiture démarre, prend la direction de la place Villebois Mareuil, toune à hauteur du café Riche, monte à gauche le Bd Clémenceau, tourne encore à gauche dans la rue d’Arzew et se dirige tout droit vers Gambetta123. Il s’agissait maintenant de se cacher, puis de se disperser et surtout ramener l’argent à Alger. Trop de gens étaient dans la confidence et une telle somme pouvait faire des envieux. Surtout éviter la police. A Alger, informé de la réussite du coup, Hocine Lahouel, le modérateur au congrès, un des hommes les plus importants de l’OS, avait organisé le transfert en pensant aux moindres détails.

Ce chiffre de cinq acteurs directement impliqués est le plus proche de la vérité et surtout le plus probable122. D’après Bouchaib ils étaient 7. Les deux ou trois individus de plus qui sont cités dans différents articles n’ont pas un rôle direct. Ce pourraient être des guetteurs ou des hommes de main.

Selon les textes officiels, Mohamed Khider, député d’Alger à l’Assem- blée nationale française, élu sur la liste du MTLD en janvier 1947, aurait été chargé par Hocine Lahouel124, de se rendre à Oran pour recueillir le produit du vol et transporter la somme à Alger. Conscient de l’enjeu, Khider devait utiliser sa voiture parlementaire. Celle-ci munie de la cocarde bleu-blanc-

Notes

119 Incarcéré plus tard à la prison d’ Oran, il parvient à s’évader en 1952.

120 On le retrouve en mai 1958 à Düsseldorf où il réalise un achat important d’armes de poings. Cf “ Tueurs et porteurs de valises” -Enquête sur l’Histoire, N° 15 – trimestriel Hiver 96-pages 52,53,54 Par G.C.
121 Boutlélis Hamou 1920-1957 à Oran

122 M’Hamed Yousfi confirme les noms du Commando dans: “ L’Algérie en Marche “ P.95 et 96,

123 D’autres écrivent , qu’ils partirent vers la marine, direction les plages Aïn El Turk qui se trouvent à l‘Ouest d’Oran et non pas à l’Est comme l’écrit Benjamin Stora, qui ne connaît pas Oran. Ils voulaient donner le change. Mais une fois près du port, ils bifurquèrent vers Gambetta, un quartier à l’Est.

124 Né en 1917 à Skikda- DC en 1995 à Alger.

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rouge le protégerait pour accomplir sa mission et arriver sans encombres à Alger. L’argent devait être versé à la trésorerie du Parti et non à l’OS125. Cette épisode est peu vraisemblable. On le saura plus tard, il est faux.

L’histoire contredit une fois de plus cette version si logique. Le député Mohamed Khider126 est à l’origine en 1946, dès sa libération de prison de la scission du Parti PA, en MTLD et OS. Il assiste en 1948 au comité central de Zeddine qui donne priorité à l’OS. Dans une première lecture, on ne peut pas affirmer qu’il soit au courant de l’affaire. Il le sera plus tard, puisqu’il devient trésorier du Parti. Là aussi, Ben Bella est hésitant et contradictoire dans ses déclarations: “ je ne sais si c’est Madjid127 à ce moment là , chef de l’OS ou bien le député Khider qui a imaginé ou conçu ce coup de force…. ils étaient au courant”, puis plus loin “ à moins que Madjid ne l’ait conçu sans en référer à Khider?” et enfin../.. “ les conversations que j’ai eues, lorsque j’étais chef national de l’OS, m’ont démontré qu’ils étaient parfaitement au courant”. Rien n’est encore ici déterminant. Cette organisation avait mis en place un système de protection interne dite du 4×4. C’est Mohamed Khider dit Sid Ali le chauffeur qui conduit la voiture jusqu’à Alger, d’où la possible confusion homonymique commise par certains auteurs avec le Député. Le commando fit ce qui avait été décidé pour le transport de l’argent jusqu’à Alger; utiliser la voiture du député à son insu128, c’était de bonne guerre. Si la Police avait procédé à une arrestation, on pouvait toujours arguer le vol du véhicule et ne pas impliquer le député. Par contre la Cocarde est un bon laisser passer. Benjamin Stora129 ajoute, que lorsque Khider -le député- l’apprend, il s’insurge contre la décision du Parti qui lui intime l’ordre de se constituer prison- nier pour minimiser l’affaire et arrêter les investigations policières. Ce qui était un mauvais calcul. Il n’en sera rien, on va le voir plus bas

Notes

125 Sur le 3 millions, 178 francs dérobés, seuls 500.00 francs iront à l’OS, le reste au Parti.
126 L’affaire de Madrid- Mohamed Khider y fut assassiné le 04 janvier 1967.
127 C’est le nom de guerre de Hocine Aït Ahmed.
128 Mohamed Harbi écrit: “ que la voiture du député avait été utilisée à son insu”. C’est vrai. Moha- med Harbi: “Aux origines du FLN” Edit° Bourgeois, 1975. p.37

129 Benjamin Stora-: “ Dictionnaire biographique de militants nationalistes “, page 288, Edit° L’Harmattan Paris, 1985.

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La poste centrale en 1949- On remarque les tractions avant. la petite porte et en face au coin la Brasserie l’Aiglon

Tous ces stratagèmes furent déjoués à moitié par les R.G. Car, plus tard, le député, sera soupçonné pour son implication dans l’attaque, mais la Police ne sut pas trop à quel niveau. Il fut l’objet d’une demande de levée d’immunité parlementaire en mars 1951. Pour éviter l’arrestation et la prison, il a le temps de préparer sa fuite et quitte la capitale le 5 juin 1951. Il se réfugie au Caire, où il formera avec Ben Bella et Aït Hocine Ahmed son beau-frère, la délégation extérieure.

Revenons au jour J. Dès le mardi 5 avril au matin, tout Oran est au cou- rant de l’affaire. La Police mobilisa tous ses services et surtout ceux du renseignement: les RG du commissaire divisionnaire Costes, qui poursuivirent sans relâche leurs investigations, mais rien ne sourdait. La Police française, la DST et les RG quadrillèrent tout le territoire.130 Le commissaire Filippi, du 6ème arrondissement, rejoint par Mrs Esquerré, contrôleur général de la sécurité, Guyard chef de la 1ère brigade mobile de la PJ, Caravano chef de la Sûreté urbaine, Saurel, substitut du Procureur de la République et enfin Tain juge d’instruction. La qualité et le nombre de cette délégation reflète les in- quiétudes des pouvoirs en place. L’affaire fut prise au sérieux.

Note

130 La traction-avant du Dr Moutier fut retrouvée au quartier Saint-Charles , garée rue Gustave Rodin. C’est l’officier de P.J Obadia et le commissaire Guyot qui l’identifièrent.

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Les deux caissiers traumatisés et blessés, furent transportés à l’hôpital civil d’Oran, au pavillon 10. M.Barraut, le plus gravement atteint dut subir une opération du trépan, par le chirurgien Sicard. Il en guérit.

S’il s’était agit de malfrats, le vol et les gangsters auraient été aussitôt découverts. Dans le milieu, c’est souvent chacun pour soi. Mais ici, il s’agissait de militants pour une cause nationale. Des révolutionnaires qui mettaient leur vie en jeu pour leur idéal: L’Indépendance de l’Algérie. Les relations hiérarchiques étaient assez étanches, bien qu’il existât certaine faiblesse de jeunesse organisationnelle. Il faudra attendre une année pour résoudre l’énigme et encore par hasard.

Les conséquences de cet Hold-up ne tarderont pas à se faire sentir gra- vement pour l’organisation toute entière. Dans la résolution de l’énigme, nous nous trouvons encore devant plusieurs explications. Après avoir éliminé les plus fantaisistes, deux d’entre elles, nous ont paru intéressantes, bien qu’elles soient à l’opposé l’une de l’autre. La première est crédible. Elle s’inscrit dans une démarche policière logique du renseignement et du travail d’enquête. La seconde prête trop le flanc au hasard et à la coïncidence, mais elle est aussi “possible”.

La première, ce fut l’affaire dite de “ Tebessa” du 18 mars 1950 dans l’Est algérien131, et l’expédition punitive de l’OS contre Khiari132. Elle fut une véritable aubaine pour les policiers français. Le conseil de discipline de l’OS d’ Annaba, présidé par Amar Benaouda133, organisa une expédition punitive, contre Khiari Abdelkader dit « Rehaïm » de Tebessa membre de l‘OS, qui s’avéra désastreuse pour l’organisation. Informée, la Police opéra une descente fructueuse, qui permit au commissaire divisionnaire Costes134 de la police des RG de découvrir l’OS et de procéder par la suite à l’arrestation de plusieurs membres sur le territoire national, dont celle de Ben Bella qui fut arrêté le 12 mai 1950. Grâce à ces arrestations, l’affaire toute entière est découverte. Non seulement celle de l’OS, la plus importante, mais aussi celle de la Poste d’Oran. Par la suite tous les auteurs du vol seront identifiés. Le

Notes

131 L’affaire de Tebessa du 18 mars 1950. Cf: “ Pour une histoire critique et citoyenne,” Jauffret Jean-Charles.

132 Dit aussi : Rehaïm
133 Benaouda Ben Mostefa dit Amar.بـــــــــن عـــــــــودة بـــــــــن مـــــــــصطفى عـــــــــمر . Né en 1925 à Annaba. Militant de la première heure. Colonel et membre du groupe des 22. Arrêté, il est condamné au procès de Bône à 3 ans de prison pour atteinte à la sûreté de l’Etat. Il participe aux accords d’ Evian.

134 Originaire de Pamiers (Ariège) fonctionnaire de police, métropolitain en poste en Algérie depuis. 1932. C’est rare. Pour Yves Courrières, c’est un homme remarquable, intelligent, lucide. cf “ Les Fils de la Toussaint,” page 65, Édition Fayard Paris,1968.

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démantèlement de l’OS par la Police Française en 1950135 a porté un coup très dur au mouvement national algérien. Toute l’OS fut anéantie et le PPA- MTLD affaibli pour longtemps. En même temps que les hommes, furent récu- pérées des armes de guerre, ainsi qu’un poste émetteur récepteur à Alger. D’après Ahmed Akkache136 les interrogatoires à la villa Mahhieddine au Chemin de la fontaine bleue à Alger par les inspecteurs, Touron, Havart et Forçioli, achevèrent l’organisation. Sur renseignements, au cours d’une descente à la ferme Boudouaou, où se cachaient Souidani Boudjemâa et Ahmed Bouchaïb, deux participants du hold up d’Oran, une fusillade éclata. L’inspecteur Havart est indemne, mais l’inspecteur Culet est tué. Souidani et Bou- chaïb malgré le bouclage parvinrent à s’enfuir.

Lorsqu’une année plus tôt, fut prise la décision d’attaquer la poste, qui aurait pu imaginer ses conséquences?

Meziani Ahmed alias Ben Bella, un des principaux instigateurs et chef d’Etat-major de l’OS137, fut appréhendé le 12 mai 1950 dans son refuge à Alger. Il habitait chez madame Ledru138 au 35 rue Auber. Il était armé d’un revolver P38 de marque allemande, prise de sa campagne d’Italie. Après son arrestation il fut conduit dans les locaux de la Police, où il fit sa déposition le même jour au commissaire de la police des renseignements généraux Havard Jean139. Celui-ci avait pris du grade en deux mois. C’est le même Havart, alors inspecteur en Mars qui failli arrêter Souidani et Bouchaïb à la ferme Boudouaou.

Condamné au cours d’un procès légendaire à huit années de prison140, il transforma le Tribunal en tribune populaire et à l’audience, lui l’orateur tint d’ardents propos nationalistes et révolutionnaires. D’accusé, il se fit accusateur, et fit le procès du colonialisme.

Notes

135 L’Algérie relevait du ministère de l’intérieur, représenté sur place par un Gouverneur général de septembre 1944 à janvier 1956. En 1949, c’était Marcel Edmond Naegelen, Ex Ministre de l’éduca- tion nationale en mission de 1948 à 1951. C’est lui qui le 21 octobre 1949, dans son discours aux forces publiques condamne l’usage de la torture. Cité par J.C Jauffret, colloque de Juin 2006-Aix- en-Provence. Quelques jours plus tard, le 28, un séisme secoue Oran ; La mort de Marcel Cerdan.

136 Ahmed Akkache. Rédacteur en Chef du journal hebdomadaire « Liberté « et ancien secrétaire du PCA de l’époque, parle de 400 arrestations. L’Algérie libre du 15 mai 1950 signale : “ Plus de 500 arrestations”.

137Madame Abane au journal Liberté: Cf en Annexe N° 3 sa déclaration complète

138 Ses camarades du Parti, lui demandèrent dès qu’ils eurent connaissance de son imminente arrestation, de fuir. Ce qu’il ne fit pas. Il entretenait dit-on des liens privilégiés avec sa logeuse-Md Ledru?) et ne voulait pas la quitter. D’autre part, malgré le caractère prolixe de sa déclaration, il sut déjouer la méfiance des policiers, et ainsi cacher les principales informations. Cf note 155.
139 Cf annexe n° 1- Déposition complète de Ben Bella du 13 mai 1950.

140 Ben Bella.

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Le Procès dit des “56” fit date à Blida141. Les débats furent houleux et plusieurs fois interrompus.

De la prison au tribunal avec ses co-accusés, ils chantaient l’hymne na- tional. La foule algérienne se pressait nombreuse tout le long du cortège, et devant l’entrée du tribunal. Pour couvrir les cris et les chants, la police usa d’un stratagème. Elle fit accompagner les fourgons cellulaires de la prison au tribunal à l’aller et au retour, par une escouade de motards et fit pétarader les motos, ce qui couvrit les chants.

Le lundi 16 mars 1952, il parvient à s’évader de la prison de Blida avec Ahmed Mahsas142, un intellectuel renommé. Grâce à des complicités sur le port, il voyage clandestinement, arrive à Marseille et de là se rend à Paris. Il vit caché quelque temps dans une mansarde de la rue Rochechouart143, puis grâce à son réseau réussi via la Suisse à gagner l’Egypte où il va retrouver les militants, Hocine Aït Ahmed et Mohamed Khider l’ex-député. Encore aujourd’hui subsistent des interrogations sur la relative facilité avec laquelle s’organisa l’évasion de la prison et surtout le voyage en bateau. Comment a- t-il pu passer à travers les mailles du filet des RG tissées par Costes?

Les écrits historiques comme on l’a vu sont légion sur cette affaire. Le Procès de Blida est politique et condamne les militants de l’OS à des peines très lourdes et parmi eux certains des acteurs de l’affaire d’Oran, dont Ben Bella qui avait été déplacé jusqu’à Blida144. A Oran, au tribunal correctionnel se tient les 12 et 13 février 1950, le procès de droit commun des 47 militants145 de l’OS de l’Oranie. Le jugement fait mention d’une audience pu- blique, mais pour éviter le désordre public, il est décrété à “Huis clos” et la presse tolérée. C’est une première, le tribunal réagit au coup par coup. L’a- vocat Thuveny est chargé de la défense de 17 prisonniers. Un lot en quelque sorte. Il faut dire que le dossier d’accusation était simple: Atteinte à la sûreté

Notes

141 Jugement du 11 mars 1952. Dans le livre : “Que reste-t-il?” , Régis Salphati écrit: “ le mercredi 18 juin 1952, la cour d’Assises d’Oran décide du sort de 11 personnes dont Ben Bella”

142 Ahmed MAHSAS né en 1923- Militant du PPA en 1940, à Boudouaou sa ville natale. Un des premiers responsables du FLN en France. Diplômé de l’École pratique des Hautes Études et Docteur en sociologie en 1978 à la Sorbonne, il publie, chez Harmattan Paris sa thèse intitulée  » Le mouvement révolutionnaire en Algérie de la première guerre mondiale à 1954″.

143 Entretiens avec C.H Favrod:” J’ai accompagné aussi Ben Bella, rue Rochechouart, où il se cacha en 1953”. Pour Ben Bella, Il s’agirait de la rue Cadet à Montmartre- cf Robert Merle: “Ben Bel- la”, page 93, 1965. Qui ment? Qui confond? ou alors, le plus probable, c’est qu’il a existé deux adresses parisiennes, nécessités de clandestinité ?

144 Jugement du 11 mars 1952

145 Les prévenus sont assistés pour leur défense d’un collectif d’avocats qui sont : Maîtres Thuveny, Suzanne Kochi Layrisse, Belbegra, Perrot, Sportès, Tabet, Raymondet, Panc.

146 condamné à 6 ans de prison, 10 ans d’interdiction de séjour et 10 ans de privations de droits civiques.

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de l’Etat par bandes organisées. Pour les accusés, le verdict était connu d’avance. Ici aussi, comme à Blida, les prévenus chantent l’hymne national, exigent un procès politique. La rue s’enflamme, les heurts avec les forces de l’ordre sont violents. Parmi les 47 condamnés à des peines très lourdes, se trouvent Hamou Boutlélis146, Bouyahia Mohamed, deux militants du Hold-up.

Si on se penche maintenant sur la deuxième version, contrairement à ce qui est écrit plus haut, pour la Police d’Oran, ce ne serait pas l’affaire de Tebessa qui aurait permis l’élucidation du délit, mais un enchaînement de petits détails. L’explication est toute autre , moins politique, et plutôt anecdotique.

Laissons parler Ben Bella : “ Les exécutants avaient utilisé, pour empor- ter les billets, une valise assez usagée. Dans la hâte de la fuite, une de ses ferrures s’accrocha et un fragment, s’en détachant, tomba sur le tapis de sol de la traction avant noire qu’ils utilisaient. Ce fragment bien que fort petit n’échappa aux enquêteurs et fut recueilli par eux comme pièce à conviction. Cependant, aucune piste sérieuse n’apparaissait, du temps passa. L’enquête piétinait, quand un des officiers de la Police Judiciaire qui avait pris part à l’enquête passa aux services des Renseignements Généraux. Cet homme, en perquisitionnant chez un militant de notre parti, y vit une valise qu’il trouva à son goût et qu’il décida de récupérer pour son usage personnel. Ce menu pillage eut, pour nous, de graves conséquences. Car, arrivé chez lui, le poli- cier éprouva des difficultés à ouvrir la valise, il y regarda de plus près et s’aperçut qu’un morceau de la ferrure manquait. Il se souvint alors de la mi- nuscule pièce à conviction qu’il avait manipulée quelques mois plus tôt, se précipita avec la valise à la Police Judiciaire et constata que la partie déta- chée et le reste de la ferrure s‘adaptait parfaitement. Il comprit alors en un clin d’œil que l’attaque de la poste n’était pas un banal hold up, organisé par des Européens, mais une opération montée par le Parti. A partir de ce mo- ment-là, arrestations et tortures commencèrent et on remonta jusqu’à moi. …./…..un mois après, dénoncé par un traître je fus arrêté à Alger.

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احمد محساس. Ahmed Mahsas en 1950

Dans cette affaire de vol, somme toute une péripétie, trop d’obscurités, trop de versions discordantes147. Mais nous disposons maintenant de documents officiels et avérés, qui nous permettent de faire la lumière, et de tran- cher entre les dates, les acteurs ou les témoins. Nous nous sommes efforcé de présenter à l’époque toutes les versions que nous connaissions.

La vérité n’est pas “granitique” dit-on! Existe-t-elle? Pour cet évènement, on peut dire oui. Actuellement, en possession des écrits des principaux participants dont ceux de Hocine Aït Ahmed et de Bouchaib Belhadj Ahmed, des journaux, des articles si divers, .

Le vol de la Poste d’Oran est maintenant élucidé.

Notre but est modeste: rappeler un événement marquant de la vie ora- naise. Le lecteur est libre. Bon nombre d’acteurs, et de témoins de ce jour fameux ou de contemporains crédibles, sont peut-être encore en vie148. Il leur appartient de décrire cet événement dans leur vérité historique et dans son réel déroulement. Le feront-ils? le voudront-ils? le peuvent-ils? Seuls sont connus les écrits de Hocine et de Belhadj. Mais des écrits définitifs.

Notes

147 cf annexe N° 1, 2 et 3.
148 Malheureusement peu: Hocine décède le 23 décembre 2015. Bouchaib Belhadj Ahmed décède le 22 janvier 2012, à Aïn Témouchent sa ville natale. Il est enterré à côté de son père et de son frère, comme il l’avait souhaité ( Note de son fils- Belhaid Y.S,).

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Pour conclure, nous laisserons le dernier mot de cette affaire, à la plaque commémorative. Un plaque officielle. Le vol à la grande poste d’Oran est en effet définitivement inscrit sur une plaque en marbre blanc, apposée sur la façade à droite de l’entrée principale. En caractères arabes noirs, l’événement est relaté et ses acteurs désignés. Les autorités ont décidés. Qu’il en soit ainsi

La plaque commémorative apposée sur le mur de la grande poste d’Oran. traduction: Au nom de Dieu le Miséricordieux بسم ا لله الرحمن الرحيم

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Traduction de l’inscription de la plaque

Le 6 avril 1949149, au matin à 6 heures 25, un groupe de l’Organisation Secrète de l’époque attaqua cette poste centrale et prit de l’argent, utilisé à l’achat des armes pour préparer le déclenchement de la guerre de la libération .

Dix noms sont ainsi donnés à la postérité, au détriment d’une partie de la vérité150.

Ahmed Ben Bella
Hamou Boutlélis
Hocine Aït Ahmed
Ahmed Bouchaïb BelHadj

Souidani Boudjemâa

Haddad Amar

Benzergua Ben Naoun

Mohamed Khider dit sid Ali

Lourgououi Rabah

Bouyahia Mohamed

احمد بن بلة

حموبوتليليس

حسين آية احمد

بو شعيب احمد

سويداني بو جمعة

حداد عمار

بن زرقة بن نعوم

سيد على

خيدرمحمد

لرقيوي رابح

بو يحيا محمد

Nous pouvons conclure maintenant que c’est bien Hocine Aït Ahmed en tant que chef de l’OS qui a donné l’ordre direct à Ben Bella son subordonné pour l’Oranie. Celui-ci151 aurait composé son commando de 7 militants qui prirent part à l’action directe:

Hamou Boutlélis, pour les armes,
Participants: Ahmed Bouchaïb le véritable chef de l’expédition, Souidani Boudjemâa, Haddad Amar, Lourgououi Rabah, les militants, et Mohamed Khider le chauffeur en planque dans la voiture.

Notes

149 Encore une erreur ? mercredi 6 avril ? Tous les documents indiquent la date de la nuit du lundi 4 au mardi 5 avril 1949 et s’accordent pour le mardi 5 à 7 h 45. Sauf Pierre Mannoni, “Les Français d’Algérie, vie et mœurs” , page 250, qui emporté peut-être par un enthousiasme révolutionnaire télescope les deux dates françaises et algériennes, 1789 et 1949. Pour lui l’attaque a lieu la nuit du 4 août 1949, ce qui est faux bien entendu Cette nuit du 4 août , qui ne s’est jamais terminée.

150 Comme on l’a démontré par les textes des mêmes auteurs cités. Pour Mohamed Harbi, ils n’étaient que quatre pour l’action directe, ce qui est le plus probable, mais 7 en tout, avec les guetteurs.

151 C’est Bouchaïb qui forme le commando. Cf son livre.

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Les guetteurs étaient:

Lourgououi Rabah, et Bouyahia Mohamed, écrits de Bouchaib, document historique152. Un oublié, Djelloul Nemiche, la taupe et agent de la poste n’apparaît pas sur cette liste. Pourtant, on le sait , c’est de la bouche même de Ben Bella qu’on apprend que l’OS décide d’attaquer la poste grâce à lui. Il est au courant des mouvements de fonds, donne l’information principale, le premier lundi de chaque mois, les caisses sont pleines. Il connaît tous les recoins du bâtiment, ce qui n’est pas négligeable. Se trouvait-il sur place, ce mardi 06 avril 1949, à 7h45 ? Des rencontres entre Nemiche Djelloul, Ben Bella, Hamou Boutlélis, puis plus tard avec Hocine Aït Ahmed ont eu lieue au petit Vichy, un jardin de verdure en plein air à Oran.

حمو بوتليليس. Hamou Boutlélis)1920/1957- le martyr sans tombeau.

Notre article commence par l’exposé des rumeurs , se poursuit par des interrogations, et se termine par des affirmations. Qui ou quels ont été les instigateurs réels? – On les connaît: Hocine Aït Ahmed, Ben Bella, Hocine Lahouel. Quelle est l’instance, on la connaît: Le congrès de 1947. Ce n’est pas l’initiative personnelle de 1949 dont parle Ben Bella. Il fallait qu’il se donne une stature, Ben Bella joue avec la vérité, et il le sait. Il ne faut pas oublier qu’il fut président de la république algérienne. La littérature sur ce sujet est prolifique, on l’a constaté, mais, complexe, elle se contredit. Les instigateurs, commentateurs et acteurs de cet acte sont nombreux et leurs écrits diffèrent. Pour Bouchaib, et on va le croire, ils étaient 7. Deux guetteurs, trois acteurs, un chauffeur, et un au télégraphe.

Ce qu’il nous faut ajouter, c’est le caractère exceptionnel de la situation dans laquelle s’est préparée et déroulée cette attaque. Nous sommes en 1949, les congrès et les réunions se tenaient dans des conditions de clandestinité extrême. Les précautions prises par les uns et les autres étaient constantes et soumises à des aléas. Avec le temps, elles ont pu provoquer des confusions dans les souvenirs des noms et des décisions. Sans oublier que la Police et les RG étaient en alerte et actifs. Mais ils ne savaient rien de l’OS et encore moins de ce qui se passait dans les Aurès.

N’ayant pas vocation de polémiquer avec l’Histoire ou les Histoires de chacun, nous nous en tiendrons à la Plaque commémorative. S’il faut tirer une leçon pour ce travail, c’est qu’il pose encore plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Car, si les articles et études sur cet évènement, sont nombreux ou approximatifs, beaucoup sont erronés. Les secrets politiques de ces périodes sont encore à découvrir.

Note

152 Benjamin Stora, “ Dictionnaire biographique de militants nationalistes”, Edit° L’Harmattan Paris, 1985

43

Ce sont les hommes qui font l’Histoire, mais ils ne savent pas l’histoire qu’ils font.153

Au sujet de cette affaire, qui n’a pas dit son dernier mot, les chercheurs doivent pouvoir librement consulter dans les archives algériennes et françaises. C’est nouveau, celles-ci seront en libre accès bientôt.

L’ Histoire a aussi besoin de “Guetteurs”, passionnés. Modestement, j’en suis un. La suite on la connaît. C’est la grande Histoire, et ce n’est plus le propos de cet opuscule.

Jean, Pierre Badia / Mars 2021

Note

153 Karl Marx- Le 18 brumaire de L.Bonaparte (1851)

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Textes complémentaires 1

1- Arrestation de Ben Bella et sa déposition.

Un hold up aux allures militaires est perpétué à la grande poste d’Oran. Très vite154 la police identifie les auteurs (des militants de l’Organisation Spéciale, la branche armée et secrète du MTLD) et arrête Ben Bella.

Sa déposition complète (il est prolixe) est enregistrée le 12 Mai 1950.

L’an mil neuf cent cinquante et le douze du mois de mai, Devant nous, Ha- vard Jean, commissaire de la police des renseignements généraux, officier de police judiciaire, auxiliaire de M. le procureur de la République. Agissant en exécution de la commission rogatoire n°34 du 7 avril 1950 de M. Catherineau, juge d’instruction près le tribunal de première instance de l’arrondisse- ment de Tizi Ouzou, étant subdélégué.

Assisté de l’inspecteur officier de police judiciaire Tavera René de notre ser- vice. Pour faire suite aux renseignements contenus dans la déclaration de Belhadj Djillali Abdelkader Ben Mohamed, entendons le nommé Ben Bella Mohamed qui nous déclare : Je me nomme Ben Bella Mohamed Ben Emba- rek, né le 25 décembre 1916 à Marnia (département d’Oran, arrondissement de Tlemcen), fils de Embarek Ben Mahdjoub et de SNP Fatma Bent El Hadj, célibataire. J’ai exercé la profession de cultivateur à Marnia. Actuellement, je suis permanent rétribué du parti politique MTLD. J’habite Alger, chez Mme Ledru, 35, rue Auber.

Note

154 Un an plus tard en 1950.

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Récit complet de l’attaque de la poste centrale d’Oran par Ben Bella.

A plusieurs reprises, je vous ai parlé de l’attaque à main armée perpétrée contre la poste d’Oran. Je viens de vous dire qu’il s’agissait d’une manifesta- tion de l’OS, que ce coup de force avait été tenté pour satisfaire aux exi- gences des trublions politiques du M.T.L.D. Je vais donc par le détail vous dire tout ce que je sais sur cet attentat. Au début de l’année 1949, le M.T.L.D. subissait une crise financière assez aiguë et cela s’ajoutait aux tiraillements politiques. Je ne peux pas vous dire absolument si c’est Madjid qui était à ce moment-là le chef national de l’OS ou bien le député Khider, qui a imaginé ou conçu ce coup de force. En tout cas, ce que je puis vous affirmer, c’est qu’ils étaient au courant des faits, et que cette affaire n’a pas pu se réaliser, à condition que ce soit Madjid qui l’ait conçue, sans en conférer à Khider. D’ailleurs, par la suite, lorsque j’étais chef national de l’OS, les conversations que j’ai eues avec Khider m’ont démontré qu’il était parfaitement au courant des faits. C’est au cours d’une réunion de l’état-major de l’OS, à Alger, que Madjid nous a fait connaître l’intention du parti d’attaquer la poste d’Oran, pour se procurer de l’argent. Il m’a chargé de trouver sur place, à Oran, un local où nous pourrions en toute quiétude mettre sur pied le plan de réalisa- tion d’une telle opération. Dès le début, nous avons désigné pour l’exécution Bouchaïb, de Témouchent, qui devait diriger l’expédition, Fellouh, de Mostaganem, Khider, le chauffeur d’Alger, tous trois membres de l’OS. Cette équipe devait être complétée par trois ou quatre éléments supplémentaires choisis parmi les membres de l’OS ou des maquisards. Ces grandes lignes arrêtées, il était convenu que l’affaire se ferait au début du mois de mars et que Madjid viendrait à Oran, une quinzaine de jours avant, pour le montage définitif. Je suis rentré à Oran et j’ai immédiatement songé à utiliser le local dont le parti disposait 1, rue Agent Lepin, à Gambetta, et j’en ai avisé Madjid.

Là, il a retrouvé les éléments, c’est-à-dire Bouchaïb, Khider, Messaoud Soudani, qui était permanent rétribué du parti, chef de zones d’Oran centre, un certain X de Palikao, qui avait remplacé Fellouh et deux des trois maqui- sards de la première opération, le troisième ayant, je crois, rejoint Alger. Cette fois, je n’ai pas paru au local. Je prenais contact avec Madjid à l’extérieur. Il avait été décidé que le coup se ferait le 5 avril au matin et comme la première fois, on devait utiliser un taxi volé. Pour ma part, je devais rejoindre Alger deux ou trois jours avant la date et revenir à Oran par le train de jour qui arrive à quinze heures.

Il est arrivé vers le 20 février à Oran et a logé au local. J’ai omis de vous dire qu’il était accompagné de Khider. Ils ont été rejoints par les permanents Bouchaïb, de Témouchent et Fellouh de Mostaganem. Trois maquisards sont arrivés d’Alger quelques jours après. Je suppose qu’ils ont été désignés par Ould Hamouda, qui, à l’époque, devait être chef du réseau de complicité, par sa qualité de chef du service général. Ils ont certainement été reçus à la gare d’Oran par Bouchaïb qui les a conduits au local de la rue Agent Lepin. Comme cela est de coutume chez nous, ils devaient très probablement avoir un mot de passe et un journal, signe de reconnaissance. Je dois vous dire que c’est Madjid qui détenait les fonds nécessaires à la nourriture et qu’ils faisaient eux-mêmes leur popote. A cette époque, le parti m’avait rappelé à la politique. J’avais déjà pris mes consignes à Alger et j’étais en train de passer celle de l’OS, du département d’Oran à Boutlelis Hamou. Je ne pense pas que ce dernier à ce moment fût au courant de cette première affaire. Pour ma part, il avait été décidé que, deux ou trois jours avant le coup, je devais me

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créer un alibi en allant me reposer dans ma famille à Marnia, puis le lendemain de l’attentat me rendre à Alger pour y rencontrer Madjid. Environ six jours avant l’attaque de la poste, avec Madjid et l’équipe, nous avons tenu une réunion pour exhorter les exécutants à faire ce que commandait le parti. Pour cette réunion, Madjid et moi avons revêtu des cagoules noires du groupe de l’OS, d’Oran. Elles nous arrivaient jusqu’à mi-corps, nous étions assis dans la grande pièce centrale, face à la porte dissimulant nos pantalons par une couverture. C’est Bouchaïb qui nous a fait rentrer dans ce local et c’est lui qui a introduit les éléments, alors que nous avions la face voilée . C’est Madjid qui a pris le premier la parole. Il s’est adressé à l’auditoire en langue arabe et a dit en substance : « Le parti a besoin d’argent, vous avez juré de lui obéir et il compte sur vous pour exécuter fidèlement la mission qui vous a été confiée. » Il a expliqué succinctement qu’il s’agissait d’attaquer la poste d’Oran pour se procurer l’argent de la caisse de la recette. Il a ajouté que les détails complémentaires seraient fournis en temps utile par Bouchaïb. J’ai ensuite pris la parole en langue arabe pour confirmer ce qu’avait dit Madjid. Ici, je vous dois une explication. Dans les conversations préliminaires avec Madjid, il avait été décidé d’utiliser un taxi volé à son propriétaire. Mad- jid avait minutieusement étudié les détails de tout cela. Comme il avait été convenu, je me suis rendu à Marnia.

L’opération, autant qu’il m’en souvienne, avait été fixée pour le 3 ou le 4 mars. Dès cette date écoulée, j’ai pris le train à destination d’Alger où j’avais rendez-vous avec Madjid. Je l’ai effectivement rencontré et il m’a expliqué comment l’affaire n’avait pas réussi du fait d’un mauvais fonctionnement de la voiture restée en panne à proximité de la poste. Quelques jours après, l’état- major de l’OS s’est réuni et nous avons décidé que cette affaire serait repor- tée au 4 ou au 5 avril 1949. Je suis retourné à Oran, où je devais terminer de passer mes consignes à Boutlelis. Madjid m’a rejoint vers les 23 ou 24 mars, et comme précédemment, il a logé au local de la rue Agent Lepin.

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Madjid, ( Hocine Aït Ahmed) lui devait rentrer à Alger la veille, en prenant le train qui part d’Oran à vingt-deux heures environ. Ces consignes ont été scrupuleusement respectées et le 5 avril vers 13h je suis arrivé à Oran. A la sortie de la gare, j’ai rencontré Soudani qui m’a mis au courant du déroule- ment de l’affaire, me signalant qu’il avait été impossible d’utiliser un taxi, les chauffeurs étant très méfiants et qu’ils avaient dû user d’un subterfuge en se servant d’un docteur et de sa traction avant. Il m’a dit que l’argent se trouvait dans le local. C’est par le journal du soir Oran-Soir que j’ai connu le montant du vol et appris certains autres détails. Je devais reprendre le train du soir pour rendre compte de ma mission à Madjid. J’ai pris contact avec Boutlelis que j’ai mis au courant des faits, le chargeant en sa qualité de chef de département de veiller à la sécurité des éléments qui avaient perpétré le coup, et au moment du vol. Vers 17h30, ce même jour, j’ai vu Soudani et je lui ai dit de prendre contact avec Boutlelis, duquel il recevrait des instructions ultérieures susceptibles de parer à toute éventualité. Dès le matin, j’étais rentré à Alger par le train de la veille, au soir, j’ai pris contact avec Madjid auquel j’ai rendu compte de ma mission. Là, se terminait mon rôle. Par la suite, j’ai appris par Madjid lui-même que l’argent avait été transporté chez Boutlelis où le député Khider devait en prendre livraison. Ce fait m’a été confirmé par lui-même au cours de discussions et de conversations que nous avons eues alors que j’étais responsable du CO, puis chef national de l’OS. Le produit du vol a été entièrement versé au M.T.L.D. par Khider, la somme d’argent découverte chez Khider le chauffeur représentait un prêt consenti par l’OS pour lui per- mettre de monter un garage personnel. Je ne vois rien d’autre à vous dire sur l’affaire de la poste d’Oran. Si par la suite il me revenait certains détails, je ne manquerai pas de vous en faire part ou de les dire au juge d’instruction. A l’instant, il me souvient que c’est Madjid, avant de prendre le train à destina- tion d’Alger, qui a téléphoné ou qui est allé voir la femme du docteur. Les armes utilisées pour perpétrer l’attentat contre la poste d’Oran appartiennent toutes à l’OS de cette ville.155

Texte complémentaire N° 2

Article du Maghreb -Le quotidien de l’Economie du 7 avril 2007

Célébration du 50e anniversaire de l’attaque de la Grande Poste d’Oran

Note

155 Cette déclaration si complète, peut prêter à confusion. Comment se fait-il que Ben Bella donne si spontanément, tant d’explications aux policiers? La raison: C’est qu’il fallait endormir leur méfiance sur le rôle des Aurès, sauver le dépôt d’armes et la position logistique de Marghnia. Autant de points cruciaux que la police ignorait. Ses détracteurs se sont trompés en l’accusant d’avoir parlé sans avoir été torturé. Ils ont oublié le passé militaire de Ben Bella, et son intelligence du terrain.

48

DANS LE CADRE de la célébration du 50e anniversaire de l’attaque par un commando de l’organisation secrète (OS), de la Grande Poste d’Oran, surve- nue le 5 avril 1947156. Les moudjahidin de la wilaya se sont donnés rendez- vous, pour célébrer cet événement gravé dans leur mémoire. Témoin, acteur et exécutant de cette opération, M. Ahmed Bouchaïb, membre du « groupe des 22 », a retracé le déroulement de cette action, minutieusement préparée par M. Ahmed Ben Bella157, et exécutée par un groupe de militants de l’OS.

« Le but de cette attaque est d’assurer au parti, le PPA/MTLD, les moyens financiers pour préparer la lutte armée, objectif confié à l’organisation secrète », a-t-il expliqué, tout en précisant que les fonds dont disposait le parti étaient destinés au financement de la participation du MTLD aux élections locales de 1947. L’orateur a également situé le contexte dans lequel a été préparée cette action révolutionnaire, marquée par la prise de conscience des Algériens sur la vulnérabilité de la France, après sa défaite devant l’armée nazie, la victoire des alliés, la répression sauvage et les massacres du 8 Mai 1945 qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale

Notes

156 Erreur, comme on le sait, il s’agit du 5 avril 1949.
157 Hocine Aït Ahmed le Kabyle est oublié. Ben Bella est natif de l’Oranie.

49

Article du Quotidien d’Oran du Mardi 7 avril 2007

Il y a 50 ans, l’attaque de la grande poste d’Oran. par R. L.

Les moudjahidin de la wilaya d’Oran se sont donnés rendez-vous, ce jeudi après-midi, pour commémorer le 50ème158 anniversaire de l’attaque, par un commando de l’Organisation secrète (OS), de la grande poste d’Oran, survenue le 5 avril 1947159.

En témoin, en acteur et exécutant de cette opération, M. Ahmed Bouchaïb, membre du «groupe des 22», a retracé le déroulement de cette action minutieusement préparée par Ahmed Ben Bella et exécutée par un groupe de militants de l’OS. «Le but de cette attaque est d’assurer au parti, le PPA/MTLD, les moyens financiers pour préparer la lutte armée, objectif confié à l’Organisation secrète», a-t-il expliqué, tout en précisant que les fonds dont disposait le parti ont été consentis pour le financement de la participation du MTLD aux élections locales de 1947. L’orateur a également situé le contexte dans lequel a été préparée cette action révolutionnaire, marquée par la prise de conscience des Algériens sur la vulnérabilité de la France, après sa défaite devant l’armée nazie, la victoire des Alliés et la répression sauvage ainsi que les massacres du 8 Mai 1945 qui ont suivi la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Ces militants de la cause nationale qui ont mené cette opération ont bravé tous les dangers en menant cette audacieuse opération dans le quartier européen, le centre-ville actuellement, un «no man’s land» à l’époque pour les Algériens.

M. Ahmed Bouchaïb a souligné que cette attaque devait avoir lieu en mars 1947160, mais elle fut annulée à la dernière minute après le refus du chauffeur dépêché d’Alger de conduire le taxi volé qui devait être utilisé pour les besoins de l’attaque.  » Ce taxi était défectueux», a précisé l’orateur. « C’est M. Aït Ahmed qui s’est chargé de forcer161 un médecin à l’accompagner à notre refuge, pour soigner une malade. Le médecin disposait d’une «traction» neuve et c’est ce véhicule que nous avons utilisé le lendemain, après avoir retenu le médecin toute la nuit», a ajouté M. Bouchaïb.

Notes

158 2007 – 1947 = 60 ans.

159 le 5 avril 1949.
160 Non, en mars 49.

161 Il ne l’a pas « forcé » Il l’a prié, et le médecin est venu instantanément, n’écoutant que sa mission de soignant..

50

D’autres intervenants, à l’image de MM. Felouhi Abdelkader, ancien moudjahid, et Saïd Ben Abdallah, avocat, ont pris la parole pour mettre en relief le retentissement de cette attaque et ses répercussions sur le mouvement nationaliste algérien, ainsi que la préparation de la révolution du 1er Novembre 54. Il faut dire que l’impact politique, mais surtout psychologique, fut énorme sur les colons français. Personne n’imaginait en 1949 qu’un groupe composé de quelques «indigènes» pouvait mener une opération de cette envergure au coeur du quartier européen.

Il est à noter que cette rencontre a été initiée par le Musée du Moudjahid d’Oran162, en collaboration avec la coordination des cadres de la Wilaya 5 historique.

محمد فريحة .Mohamed Fréha , le Président du Musée des Moudjahidines مُجاهِد d’Oran.

Note

162 Président : Mr Frehat Mohamed- Ecrivain et ex- officier de l’ALN.( Lieutenant).

51

Texte complémentaire N° 3

Déclaration de madame Abane Ramdane au quotidien Liberté du 15

Décembre 2007
(Abane Ramdane, un des responsable du Parti, assassiné le 27

décembre 1957 à Tétouan, au Maroc)

Izza Bouzekri dite Saleha صالحة )17/05/2017- 15/12/1929 (

عزة بوزكري

Liberté :

Que s’est-il réellement passé avec l’attaque de la poste d’Oran ?

Madame Abane•
– Ben Bella était chef de l’OS (l’Organisation spéciale) avant qu’il ne soit remplacé par Aït Ahmed163. L’attaque avait été mijotée par Aït Ahmed, Saïd Ouali et Omar “yeux bleus” (Omar Boudaoud164), pas plus. Ils n’ont pas mis Ben Bella au courant parce qu’ils avaient peur qu’il les dénonce. Aït Ahmed a réservé une chambre à Alger pour Ben Bella et c’est là que deux policiers sont venus le cueillir le lendemain. Ben Bella ouvre la porte, prend son arme et retourne le canon sur sa poitrine et leur présente la crosse en leur disant : “Tenez, je n’ai rien à voir dans ces histoires.” Les deux policiers ont pris l’arme en laissant Ben Bella sur place. Ben Bella était à Alger pendant l’at- taque de la poste d’Oran. Il se vante d’avoir fait le coup. Naturellement, ce sont les Français qui lui ont fait cette propagande pour lui donner un nom.

Mon commentaire: J’ai retiré sciemment le reste de l’article qui n’a pas de rapport direct avec mon propos.

Note

163 C’est juste le contraire.

164 Omar Haddad

52

Inscription de la plaque commémorative apposée sur le mur de la Poste centrale في صبيحة يوم 6 افريل 1949 على ساعة 6سا و 25د. d’Oran, en 2008 165

165 Cette plaque a été détruite deux fois. Vandalisme ? Désaccords sur les noms gravés? Règlement de comptes tardifs? Ou simplement, incivisme de jeunes désoeuvrés?

53

هاجمة مجموعة من ا لمنظمة السرية آنذاك هذا البريد ا لم ركزي

وأخلت منه أموا لا استعملت لشراء ا لأسلحة تحضيرا لاندلاع ثورة التحرير

ا لمشاركون احمد بن بلة حموبوتليليس

حسين آية احمد

بو شعيب احمد

سويداني بو جمعة

حداد عمار

بن زرقة بن نعوم سيد على

خيدرمحمد

لرقيوي رابح

Avertissement au lecteur

Vu et corrigé  en Mars  2021

J’ai écrit ce texte, il y a quelques années.  Il était succinct.  J’ai trouvé en 2019, dans une librairie à Oran, précisément dans une réédition de 2009.  «  Les mémoires d’un combattant », de Hocine Aït Ahmed parues en 1982, que je ne possédais pas. 

Je ne change rien à mon texte dans son allure générale, si ce n’est  que je vais corriger quelques unes de mes hypothèses, que je trouvais a l’époque très logiques. 

Je corrige au sujet de Hocine Aït Ahmed et de Ben Bella, les deux  responsables, militants de l’organisation spéciale (l’OS). Prendre de tels risques ! En fait, à cette époque,  Hocine  en est le dirigeant, et Ben Bella celui pour l’Oranie.  Je le pense encore malgré leurs écrits. 

Une phrase que j’avais glanée dans un livre d‘histoire me confortait dans mes hypothèses. A une question sur le vol de la poste, Hocine répondit; « Je n’en sais pas plus, demandez à Bouchaib ». En effet après la lecture des mémoires de Bouchaib, parues en 2018 et acquises à la même librairie oranaise,  le doute, ni les hypothèses ne sont plus permis. C’est bien lui, le  principal artisan de cette aventure, avec Ben Bella  en réserve. Celui-ci resté dans l’ombre, pour des raisons tactiques de sécurité, était dans le « collimateur » de la police oranaise.  

Depuis,  j’ai lu les livres, d’Hocine Aït Ahmed, d’Ahmed bel Hadj Bouchaib, et consulté les articles de journaux de l’époque, et les articles plus récents dédiés à cette affaire. Ici, j’ai corrigé. 

Je dois reconnaître, que ma prudence, alors que je ne disposais pas de toutes ces informations, l’a emporté sur la vérité.  J’avais procédé par hypothèses, en confrontant les nombreux écrits de l’époque, qui ne me satisfaisaient pas . 

Le livre « Mémoires d’un combattant – L’esprit d’indépendance 1942-1952» de Hocine Aït Ahmed est clair sur cette affaire. C’est bien lui qui se trouvait à Oran. Ben Bella, bien que co-instigateur, n’a pas participé physiquement, il se trouvait à Alger. Enfin,  Bouchaib fut bien un des principaux acteurs, et le reste de sa vie fut remarquable écrivent ses camarades.   

Enfin, au cours de la lecture, vous remarquerez que je m‘évade dans les méandres de la mémoire de cette époque. Pardonnez-moi ! C’est que je suis oranais et  contemporain de cette affaire. Je demande votre indulgence. Par exemple je ne pouvais pas parler du quartier de Gambetta, sans évoquer la Cueva l’Agua, un réflexe que les oranais comprendrons, ni des cinémas sans les citer tous. Une fierté mal placée? …  Je me suis permis un petit tour de cette ville que nous avons tant aimée, n’en déplaise » à Albert Camus l’algérois … notre fidèle ami et meilleur critique. 

Bibliographie raisonnée. Par ordre de date d’édition.

Camus Albert – Le Minotaure ou la halte d’Oran dans l’Eté, Gallimard 1954 Jeune Afrique
Blog guerre d’Algérie- PV d’interrogatoire policier de Ben Bella du 05 avril 1950

Monde nouveau- La poste le 4 avril 1948, Éditions du monde, Paris, 1957

Favrod Charles-Henri – La révolution algérienne, Paris, Plon 1959 Rahmani Abdelkader- L’affaire des officiers algériens, Seuil 1959 Duchemin Jacques C- Histoire du FLN, La Table Ronde 1962

Aron Robert- Les origines de la guerre d’Algérie, Fayard 1962
Naegelen Marcel Edmond – Mission en Algérie, Flammarion 1962
Salphati Régis – Que reste-t-il? Editions le Manuscrit 1962
Launay Michel – Paysans algériens la terre, la vigne et les hommes, Le Seuil 1963

Martin Claude – Histoire de l’Algérie française, 1830-1962, Edition des 4 fils Aymon 1963
Estier Claude – Pour l’Algérie, Maspéro 1964
Morland, Barangé, Martinez – Histoire de l’Organisation de l’armée secrète, Julliard 1964

Annuaire de l’Afrique du Nord 1964 P. 852- Merle Robert – Ben Bella, Galli- mard 1965

Courrières Yves – Les fils de la Toussaint, Fayard 1968Piallat Claude – Le Guêpier I et II, Robert Laffont 1972Harbi Mohamed – Aux origines du F.L.N. Bourgeois, 1975

Favrod Charles-Henri – Portrait de Ben Bella, Revue du Temps stratégique N° 3 Hiver 1982/1983.

Hocine Aït Ahmed – Mémoires d’un combattant, S. Messinger Statesmen, 1983

Harbi Mohamed – Le F.L.N Mirages et réalités, JA 1985

Stora Benjamin – Dictionnaire biographique de militants nationalistes, L’Harmattan 1985


Ahmed Belhadj Bouchaïb – Le coriace combattant historique – Edit° Nadar 2018.

Yousfi Mohamed – L’Algérie en marche, ENAL, 1986
Yousfi Mohamed – Le complot Algérie, ENAL, 1986
Horne Alistair – Histoire de la guerre d’Algérie, Albin Michel 1987 Baccri Roland – Oran, Alger Roi, Grasset 1988
Benyoucef Ben Khedda- Les origines du 1er novembre 1954 Éditions Dahlab – Algeria 1989

Régina Norbert – Ils croyaient à l’éternité, Flammarion, 1989
Mannoni Pierre – Les Français d’Algérie, vie et mœurs, l’Harmattan 1993

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Khartala Institut Maghreb Europe 1997-
Harbi Mohamed -La guerre a commencé en Algérie, (1954) , 3ème édition, 1999

Djemaï Abdel Kader – Camus à Oran, Edit° Michalon 1995

Taddéï Jean Pierre – Les secrets douloureux que nous cachent les Dieux, l’Harmattan 2002
Amirouche – Ben Bella et son histoire, 2003
Derdour Jamel Eddine- De l’Etoile Nord Africaine à l’indépendance, Itinéraire d’un homme politique, l’Harmattan Janvier 2003
Salinas Alfred – Oran la joyeuse mémoires franco-andalouses d’une ville d’Algérie, l’Harmattan 2004
Jauffret J – Pour une histoire critique et citoyenne – le cas de l’histoire franco – algérienne- Le nationalisme algérien vu par les services de renseignement français : l’oeil du cyclone (1946-1954). Colloque des 20-21-22 juillet 2006.

Simon Jacques – Algérie, l’Harmattan 2007
Cherfa, Oran la poste et l’affaire Khiari, blog
Saâdi Yacef, – En réplique à Ben Bella: Le revenant
Madame Abane – Quotidien Liberté- 15 Décembre 2007.
Badia Jean,Pierre- L’attaque de la Poste d’Oran- 2008
Freha Mohamed- Du mouvement national à la guerre de Libération-1945/1962- 2 tomes. 2010- Editions ALOULFIA

Fréha Mohamed  Décembre 1960 Editions Dar el Qods El arabi 2013

Fréha Mohamed. Oran, Une rue pour mourir-Tome 1/ – J’ai fais un choix. Tome II. Editions Dar el Gharb 2019

Gallissot René (sous la direction de R.G et avec Marguerite Rollinde et Jean Louis Planche – Le Colloque sur Les Accords d’Evian en conjoncture et en longue durée, Paris

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